Finalement, Polnareff décide qu'il a encore quelque chose à chanter
Vingt-huit ans après son dernier album, la vedette publie un «Enfin!» que l'on n'attendait plus (du tout)

Ainsi donc, son «message aux Terriens» n'était pas du flan. Michel Polnareff, 74 ans aux prunes, a tenu la promesse faite en octobre depuis son Olympe aux gentils du monde entier. Un nouvel album de onze chansons, dont sept inédites, est bien tombé sur Terre dans la nuit de jeudi à vendredi, modestement intitulé de l'interjection que le musicien espère entendre dans toutes les bouches reconnaissantes: «Enfin!»
«Ah bon?» répondront les autres. Car, enfin, qu'attendre de Michel Polnareff vingt-huit ans après son dernier disque, sinon une entrée dans le Livre des records au chapitre du plus long accouchement? Un chef-d'œuvre définitif? D'autant plus mûri que le dernier en date, de l'avis des exégètes polnareffiens, remonte à 1971 et son «Polnareff's»? Ou une guignolade baroque et boursouflée, à l'image des récentes péripéties personnelles de la star pop la plus absente de France? Un indice: s'il ne faut pas toujours se fier à la pochette d'un disque pour humer le bon goût de son contenu, celle imaginée par l'homme à lunettes, une clé ouvrant un cadenas, vaut bien des mises en garde (lire encadré).
Qu'importe. En France, le cadeau de Noël, au timing idéal pour atterrir sous les sapins, fait figure d'événement capable de distraire durant quelques minutes l'attention médiatique portée aux «gilets jaunes» – auxquels Michel Polnareff a apporté jeudi son soutien depuis sa suite du Caesars Palace de Las Vegas. Mais ni lui ni eux (également défendus par le smicard Cyril Hanouna) ne sont plus à un détail près. Ayant définitivement perdu sa rock-star Johnny, le pays retrouve son idole Michel, et tant pis s'il ne reste pas grand-chose du gandin illuminé secouant les frondaisons luxuriantes d'une pop virtuose et érotique au pays de De Gaulle. Après avoir développé à dessein un stratagème du mystère, s'inventant dès 1971 un personnage emblématique dissimulé nuit et jour derrière ses lunettes blanches, Polnareff a subi autant qu'orchestré une stratégie de l'absence, «contraint» de filer aux États-Unis en 1973 pour échapper au fisc français suite, selon lui, aux indélicatesses d'un imprésario véreux.
Dix ans d'exil plus tard, il remettait quelques doigts de pied dans son pays natal, et jouait déjà sur l'excitation supposée de son existence fantomatique. En 1985, le bien nommé «Incognito» laissait craindre que le pari était perdant. Cinq ans plus tard, le succès de «Kâma-Sûtra» remettait un peu d'huile dans les compteurs, porté par le carton de «Goodbye Marylou», sans doute le dernier grand morceau du musicien, inspiré de la réceptionniste du Royal Monceau où l'ermite logea… 800 jours — 800 nuits, plutôt. Barbu, ventru et alcoolique, Polnareff y a vécu en reclus total, exigeant d'enregistrer les prises vocales depuis le bar du palace à l'aide d'un studio mobile stationnant sur le trottoir. Le jour de la sortie, il se paie le luxe d'un duplex, depuis sa chambre, avec le JT d'Antenne 2! On apprendra ensuite que la vie cloîtrée et nocturne était une façon d'oublier que sa myopie dégénérait en cécité totale. Il se fera opérer, avec succès, peu après.
Depuis lors, le provocateur assez génial de la France seventies — à qui il montrait ses fesses sur les affiches annonçant ses concerts à l'Olympia — avait quitté les pages musicales pour celles des people, entre séances de body-building à Malibu, test ADN en paternité sur l'enfant de sa compagne (finalement pas le sien mais qu'il adopta), amitié déçue avec «l'escroc des stars» Christophe Rocancourt qui l'aurait arnaqué sur l'achat d'un… Hummer. Avec, derrière chaque article se nourrissant de «l'exclusivité Polnareff», la même carotte: celle du retour, un jour, enfin.
Sur scène, ce fut chose faite en 2007: «Ze (re)tour» affola les billetteries, et Polnareff enchaîna les grandes salles. La stratégie du manque fonctionna moins bien, neuf ans plus tard, et s'acheva par un procès avec son producteur historique, Gilbert Coullier, qui l'accusait d'avoir joué au malade pour annuler deux concerts mal remplis et non assurés. Le mage à lunettes s'était ensuite réfugié dans une bouderie laborieuse, entre studios belges, américains et français, pour sortir son nouveau disque, promis durant un quart de siècle. Depuis hier, on sait que Polnareff est à ce point imprévisible qu'il est même capable de tenir parole.
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