Foire d'empoigne dans le lavage des terres polluées
Des lettres anonymes circulent dans le contexte d'une situation de forte concurrence entre deux projets à Bioley-Orjulaz et à Eclépens. Le Conseil d'Etat annonce qu'il va saisir la justice.

Des députés du Gros-de-Vaud, le préfet de la région, des dirigeants du groupe Orllati, actif dans les secteurs de la construction et de l'immobilier, tous réunis autour du syndic de Bioley-Orjulaz, Joseph Despont. Cette séance peu ordinaire s'est déroulée il y a une dizaine de jours à la suite de l'avant- dernier envoi de documents d'un lanceur d'alerte anonyme, transmis à la fin de l'an dernier à des élus et à des médias.
C'était la quatrième distribution de ce «corbeau» qui dénonce les risques que ferait courir un projet d'Orllati, sur son site de Bioley-Orjulaz, à la nappe phréatique toute proche. Elle alimente entre 10 000 et 15 000 habitants en eau potable, dans les communes de Bussigny, de Daillens et de Penthalaz, ainsi que de Bournens, de Bettens et de Penthaz.
Dénonciation pénale
Une cinquième enveloppe contenant l'annonce d'une pollution et des attaques contre la cheffe du Département de l'environnement, Jacqueline de Quattro, a fait déborder le vase hier: «Le Conseil d'Etat déposera une dénonciation pénale dans les prochains jours. C'est la répétition qui incite à agir. Dans la mesure où des individus sont visés personnellement, la question de la calomnie et de la diffamation se posera», confirme Vincent Grandjean, chancelier de l'Etat de Vaud.
«Dans la mesure où des individus sont visés personnellement, la question de la calomnie et de la diffamation se posera»
Les parlementaires, eux, ont réagi en raison des documents transmis par le «lanceur d'alerte»: une lettre du Service cantonal du développement territorial exigeant des régularisations de constructions sur le site d'Orllati et un exposé de Kibag, une société zurichoise dont l'une des activités porte sur le recyclage des matériaux.
Dans le collimateur de ce document, destiné à l'origine aux autorités communale et cantonale, figure une installation de lavage de terres polluées par des hydrocarbures, des métaux lourds et d'autres substances, provenant de chantiers ou d'anciens sites industriels. Orllati attend une décision de l'Etat de Vaud qui ouvrira la voie à la mise en fonction de cette machine déjà posée sur place. Le Canton arrive au bout de l'examen de l'impact sur l'environnement et devrait rendre son verdict dans la seconde quinzaine de février.
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Les conclusions du texte de Kibag ont de quoi semer l'inquiétude: «A nos yeux, ce projet comporte un risque significatif d'atteinte durable à l'environnement et à la santé de la population.» Le groupe Orllati juge ces craintes infondées: «Les précautions prises pour protéger la nappe phréatique vont au-delà des exigences légales», assure Marc Comina, chargé de la communication de la société.
La lettre du Service du développement territorial a par ailleurs suivi une dénonciation de Kibag. Cette entreprise n'a pas répondu à nos questions. Mais la présence de ces documents dans l'envoi du lanceur d'alerte est révélatrice d'une situation fortement concurrentielle dans le domaine du nettoyage et du recyclage des terres polluées. Kibag est en effet associée à Holcim, le géant du ciment, dans le projet d'agrandissement d'une autre «machine à laver» les matériaux de chantier mené par Cridec, spécialiste du traitement des déchets spéciaux, à Eclépens.
Or il se trouve que ces trois sociétés ont fait opposition au projet d'Orllati à Bioley-Orjulaz. Et Orllati a recouru contre les plans d'Eclépens, pour tenter de sauvegarder un possible accès par la voie ferrée à un terrain dont l'entreprise est propriétaire.
Pourquoi Cridec et Holcim, en plus de Kibag, tentent-elles de contrer les intentions de leur concurrent à Bioley-Orjulaz? «Une de nos missions est la protection de l'environnement», affirme Yvan Buehner, directeur de Cridec. «De nombreux acteurs sont déjà actifs dans ce domaine depuis des années. C'est un marché très concurrentiel», ajoute-t-il, en défendant son projet à Eclépens: «Centré au cœur de la Suisse romande, le site offre dans un périmètre proche une cimenterie, un laboratoire accrédité et un centre de recyclage de déchets minéraux.»
De son côté, Holcim affirme être «une entreprise qui prend ses intérêts au sérieux et qui les défend. Elle s'assure également que les projets respectent les normes en vigueur, environnementales notamment».
La quantité de déchets spéciaux pollués à traiter chaque année dans le canton de Vaud est estimée par des spécialistes à environ 50 000 tonnes, volume qui peut fortement fluctuer en fonction du dynamisme du marché de la construction. Le prix moyen de la tonne s'élève à 200 fr., un chiffre qui peut également varier avec intensité en fonction du type de pollution. Le marché annuel vaudois se monte donc actuellement à environ 10 millions de francs. Or les promoteurs de l'installation d'Eclépens annoncent une capacité de traitement de 50 000 tonnes par an, soit l'équivalent du marché total, alors qu'Orllati ne fournit pas de données à ce sujet. En outre, un troisième projet apparaît dans la zone d'activités de Vufflens-la-Ville. On comprend pourquoi la situation est tendue.
Quantités croissantes
L'Etat de Vaud rassure. Le volume à traiter connaît des hauts et des bas. Il a atteint 200 000 tonnes en 2003, année du chantier de TRIDEL, l'usine lausannoise d'incinération des déchets. En 2014, il est descendu à 25 000 tonnes. L'avenir sera toutefois marqué par une croissance: «En moyenne, la tendance ira très vraisemblablement à la hausse ces prochaines années en raison des chantiers qui s'ouvrent et s'ouvriront sur des friches industrielles», affirment les experts de l'Etat.
La Confédération pousse par ailleurs au recyclage des déchets de chantier, même non pollués, en matériaux réutilisables. Les engins de Bioley-Orjulaz et d'Eclépens répondent à ce besoin inscrit depuis 2016 dans une ordonnance fédérale. «Il est probable que 900 000 tonnes par an, soit 30 à 40% du tonnage annuel moyen (trois millions de tonnes), devront faire l'objet d'un lavage par les mêmes machines que les terres polluées afin d'en extraire le sable et les pierres», annonce l'Etat. Selon lui, la demande sera suffisante pour assurer la rentabilité des installations programmées.
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