Georges Nicole a laissé son empreinte
Le prix littéraire créé en l'honneur du critique vaudois fête ses 50 ans. Un ouvrage redécouvre toutes les faces de ce philanthrope tourmenté.

Georges Nicole (1898-1959) regardait les œuvres «avec une passion discrète qui a bouleversé les écrivains en Suisse», disait Jacques Chessex en parlant du Prix Georges-Nicole, qu'il avait créé avec Bertil Galland et Maurice Chappaz en 1969. Une manière de rendre hommage à un critique littéraire qui les a accompagnés, parallèlement à ses propres créations et à son activité d'enseignant. Pour fêter ce demi-siècle, un nouvel ouvrage sur le parcours de Georges Nicole sera dévoilé lors de la prochaine remise du prix, mercredi 17 avril à Nyon. Réalisé par Daniel Maggetti et Océane Guillemin, du Centre des littératures en Suisse romande, «Éterniser le songe ou la solitude» regroupe des proses et des poèmes inédits, des textes critiques de l'auteur et des échanges épistolaires avec ses compagnons de route, comme Edmond-Henri Crisinel ou Yves Velan. Daniel Maggetti raconte.
«Songe ou solitude», formule de Georges Nicole, tout un programme.
Elle dit de manière ramassée tout ce que l'homme perçoit comme nécessaire dans sa poésie. «Éterniser», c'est se placer dans une forme de transcendance, par-delà le temps et la matière. «Le songe ou la solitude» sont deux aspects très présents dans sa perception du monde. Le premier, c'est la rêverie, l'imagination, comme possible échappatoire. Et la seconde est ce sentiment d'abandon qu'on peut dépasser grâce à l'expression artistique. Je crois que ces trois éléments, combinés, forment tout l'arrière-plan de ce que Nicole attendait d'une œuvre littéraire.
Ces textes dépeignent un homme aux multiples facettes. Comment les avez-vous organisés?
Notre livre remplit différentes fonctions. On voulait à la fois dessiner le parcours de Georges Nicole en tant que critique et auteur. Mais aussi refléter ses interactions avec des personnalités du champ littéraire romand, comme Gustave Roud. C'est un portrait anthologique qui voudrait restituer un parcours et une personnalité.
Comment le décrire aujourd'hui?
Il était extrêmement empathique. Dans son rôle d'enseignant, il avait déjà la possibilité d'exercer un talent d'écoute. Le cas le plus frappant est certainement sa relation avec l'écrivain Yves Velan, qui était son élève, mais qu'il a aussi accompagné au moment où il a perdu son père. Ensuite il a continué à le soutenir sur le plan littéraire. Voir chez les autres des capacités d'expression et pouvoir les encourager, c'était au fond pour lui une sorte de compensation. Il s'épanouissait dans l'œuvre des autres.
Quelle était sa part d'ombre?
C'était un tourmenté sensible, avec des moments très intenses et enthousiastes, et des retombées tout aussi brusques et difficiles. Il a vécu dans un contexte où il était exclu socialement de montrer ses failles, surtout pour un notable, professeur au collège. Je crois qu'on sent dans les correspondances cette fragilité qu'il doit constamment masquer en public.
Était-il plus difficile d'être écrivain à l'époque de la création du prix?
Pour un jeune écrivain, dans les années 60, il était plus difficile d'accéder à la publication. Et la création d'un tel prix n'allait pas de soi. À la fois investi et attendu du côté des promoteurs, il a aussi été entouré d'un certain rejet par une frange plus conservatrice du lectorat. Nous citons par exemple un article d'un journaliste valaisan, très violent, estimant que des textes comme ceux d'Anne-Lise Grobéty ou de Jean-Marc Lovay encourageaient la décadence des mœurs. Aujourd'hui ça peut faire sourire, mais dans le contexte de l'époque, le climat social est encore empreint d'un moralisme assez pesant. Mettre en place un prix qui récompense un auteur inconnu n'est pas un geste indifférent.
Le Prix Georges-Nicole se veut-il un hommage au critique littéraire?
Certainement. Très vite après sa mort, un volume avec ses textes poétiques a été publié. Mais son activité de critique n'avait peut-être jamais été mise en lumière après sa mort. Le groupe de créateurs du prix l'a choisi en fonction de cela, dans l'idée de rendre hommage à ce talent capable d'encourager des auteurs à donner le meilleur d'eux-mêmes.
----------
«Éterniser le songe ou la solitude»
Océane Guillemin, Daniel Maggetti Éd. de l'Aire, 259 p.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.