Bonheur chimique«Happy Pills», un film avec du cachet
Après l’exposition et le livre, Paolo Woods et Arnaud Robert incarnent, dans leur long métrage, les multiples usages de la médication. Saisissant.

Leur exposition et leur livre avaient mis, en 2021, des images et des chiffres sur l’amplification et la banalisation démesurées de l’usage des médicaments. Le journaliste Arnaud Robert et le photographe Paolo Woods pointaient un chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique mondiale multiplié par trois en vingt ans – 1250 milliards en 2019, contre 390 milliards de dollars en 2001.
Leur enquête se décline désormais en un film, lui aussi intitulé «Happy Pills», qui donne à voir des destins individuels impliqués dans la consommation de molécules à des titres divers. Les images de bodybuilders indiens surgonflés ou en attente de l’être à coups de piqûres peuvent prêter à sourire. Mais ils personnifient parfaitement l’utilisation non strictement médicale de substances qui visent parfois plus l’agrément que la thérapie. Autrement dit: le bonheur…
«Filtre adoucissant»
Le documentaire s’ouvre avec le cas de Patrick, un Suisse atteint de dépression qui se débat dans une situation critique, occasion de rappeler que si la Suisse monte la plupart du temps sur le podium des pays les plus «heureux», un quart de ses habitants recourt un jour à un traitement antidépresseur… Commentaire en voix off: «Les médicaments mettent sur une douleur inexprimable un filtre adoucissant.»
«Happy Pills» parcourt la planète et des cas fort différents, comme ceux des travailleurs du Niger, à l’exemple d’Alzouma, surconsommant des antidouleurs pour tenir le coup, dans une logique de surexploitation qui ne s’arrête pas au labeur lui-même, mais étend son emprise aux corps eux-mêmes. Aux États-Unis, dans le Massachussetts, Addy prend de la Ritaline pour maintenir une scolarité et se conformer à une société de la performance et de la réussite.

En Israël, à Tel-Aviv, Maris, fêtard gay, n’oublie jamais sa PrEP, traitement prophylactique du VIH, qui lui permet, croit-il, de ne pas protéger ses rapports. Dans le contexte d’un Pérou où les filles-mères sont légion, Yurica incarne un rapport crucial à la question de la contraception. Quant au choix du journaliste et producteur Louis Bériot de recourir au suicide assisté, il est documenté frontalement, mais avec une certaine légèreté.
Dans tous les cas, la proximité atteinte et l’intimité déployée permettent de toucher du doigt des réalités qui vont au-delà de la chimie, mais se répandent sur la société tout entière.
Séances en présence des réalisateurs:
Genève, Cinémas du Grütli, me 8 fév. (20 h 15)
City Club Pully, je 9 fév. (20 h 00)
Royal Sainte-Croix, di 12 fév. (18 h 30)
Astor Vevey, me 15 fév. (18 h 30)
Cinéma d‘Oron, je 16 fév. (20 h 00)
Reprise à:
Lausanne, Zinéma, me 8 fév. (19 h 00), sa 11 fév. (21 h 00), lu 13 fév. (19 h 00). www.zinema.ch
Genève, CDD, je 9 fév. (21 h 00), di 12 fév. (19 h 00), ma 14 fév. (19 h 00). www.cinemacdd.ch
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