
Cher Gianni,
J’espère que tu vas bien, que ce début de plus belle Coupe du monde de l’histoire correspond à tes attentes. Comme toi et moi appartenons, certes à des degrés extrêmement divers, à la grande smala du ballon, je me permets de te tutoyer. Le vouvoiement exprime d’ailleurs une marque de respect, or à ce stade, entre toi et moi, c’est compliqué. Tu ne le sais pas, mais nous sommes en froid. Parce que lundi, tu m’as volé ma banane, fauché mon sourire.
J’étais content d’aller voir cet USA-Galles. À l’entrée, normal, on a passé mon sac au scanner. On m’a piqué mon briquet, pas de souci, j’avais prévu le coup puisque c’était pareil la veille pour Qatar-Equateur. Ce que je n’avais pas imaginé, en revanche, c’est que tu ne me laisserais pas entrer avec ma banane, ni mes six prunes.
«C’est illégal», m’a dit le monsieur de la sécurité, désolé lui aussi de devoir cautionner le règne d’une telle absurdité. Tout ça pour me vendre des saloperies à l’intérieur. Tu nous en avais déjà fait voir des vertes et des pas mûres, Gianni, depuis ton élection à la tête de la FIFA en 2015. Mais là, c’était la griotte sur le pancake et moi sous le choc. Avant de me refaire la cerise, j’ai failli tomber dans les pommes. Au bruit des fruits dans la poubelle – car le monsieur n’avait pas le droit de récupérer les denrées – j’ai notamment repensé à ton communiqué du 19 novembre.
Vous vous targuiez, la FIFA et toi, de mettre votre «pouvoir au service de messages positifs», afin de «contribuer à faire évoluer nos sociétés dans le bon sens» (rires citronnés). Avec ton #SaveThePlanet, main dans la main avec le Programme Alimentaire Mondial (rires jaunes bis), vous sembliez plein de bonnes intentions. Tout cela, ce sont des salades – mais pas de fruits.
Je sais que tu as des choses bien plus importantes à courger dans le melon, que je peux toujours ramener ma fraise; toi, tu te fends la poire. Mais ça n’est pas drôle, Gianni. Même en prison, on a le droit d’introduire des oranges. Or la prison, tu le sais bien, c’est un endroit où ton prédécesseur et compatriote Sepp Blatter a bien failli devoir aller. Je dis ça, je ne dis rien. Un dernier truc avant de te lâcher la grappe. Pas un ordre, bien sûr, ni même un conseil – qui suis-je? Juste une suggestion: hé, Gianni, si tu arrêtais de bananer la terre entière?
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Mirages – Chronique du Qatar – Hé, Gianni, et si tu arrêtais de bananer le monde?
Lettre ouverte à Gianni Infantino, l’homme qui a volé ma banane et fauché mon sourire.