Produits du terroirHempfy distille les arômes de chanvre dans ses boissons et aliments
L’entreprise de Duillier diversifie ses produits à base de la plante de cannabis, de retour en grâce sans THC. Celle-ci est cultivée par un agriculteur vaudois à Ecoteaux.

Inoffensif et sans effet psychoactif, car son taux de THC est désormais très faible, le chanvre suisse est de retour en grâce dans les campagnes. Petite entreprise installée à Duillier, Tellement Facile SA le distille dans ses produits de boissons et aliments, pour ses vertus aromatiques et de santé. Associée à un cultivateur vaudois, la société qui s’affiche sous la marque Hempfy vient de lancer son chewing-gum au cannabis. Comme ses autres produits, celui-ci sera commercialisé sous label suisse au-delà des frontières.
Olivier Sonnay, agriculteur à Ecoteaux, près de Palézieux, dort désormais sur ses deux oreilles. Depuis le changement de législation qui ne l’autorise à cultiver que du chanvre «légal», il ne joue plus aux gendarmes et aux voleurs la nuit dans ses champs. Ses variétés, adaptées à la nouvelle réglementation, n’intéressent plus les amateurs de fumette, car elles n’engendrent plus les effets planants de l’herbe qui poussait jadis.
Prohibition
L’agriculteur cultive du chanvre depuis qu’il a repris le domaine familial, il y a vingt-cinq ans, sur des terres où il fleurissait déjà il y a deux siècles, jusqu’à ce que la prohibition – instiguée aux États-Unis par des industriels – ne le bannisse. Pendant près de vingt ans, il a toutefois pu cultiver du cannabis avec une teneur de 5% à 7% de THC grâce à un vide juridique. Car la loi interdisait cette substance dans le produit final mais pas dans la plante. «Je cherchais une culture alternative, mais je ne produisais que de l’huile essentielle avec diverses variétés de chanvre que j’ai sélectionnées pour m’adapter à la loi.»
En 2011, le Conseil fédéral décide que le chanvre et ses dérivés ne seront plus considérés comme des stupéfiants, pour autant que la concentration de THC reste inférieure à 1%. Et, à partir de 2017, il devient possible de cultiver et de commercialiser cette plante non transformée. C’est à cette date, après un premier test, que Constantin Marakhov, actuel CEO, et Michael Chernyak fondent leur société Tellement Facile à Duillier et lancent leurs premiers produits «cannabis» Hempfy.
En collaboration avec l’entreprise de Perroy Œnologie à façon, spécialisée dans les vinifications et distillations personnalisées, ils élaborent une recette de boisson pétillante naturelle au chanvre. Au lieu d’ajouter de l’huile essentielle, ils ont l’idée d’utiliser directement les plants qui sont broyés avec les fleurs, les tiges et les feuilles puis infusés dans l’eau à différentes températures. Après filtrage du breuvage, le fabricant ajoute fructose, acide citrique et gaz carbonique.
«Il y a cent parfums dans cette plante. Nous ne voulons surtout pas que nos clients associent le goût de nos produits à la fumée.»
Depuis lors, l’entreprise a élaboré divers soft drinks et boissons à base d’infusion de chanvre vert (25 g/l) de production locale. Autre nouveauté: un vin d’apéritif à base de chasselas légèrement pétillant et alcoolisé à 7%. Les arômes extraits de l’infusion sont aux antipodes de l’odeur de fumée du cannabis. «Il y a cent parfums dans cette plante, remarque le CEO. Nous ne voulons surtout pas que nos clients associent le goût de nos produits à la fumée.»
Olivier Sonnay cultive entre 3 et 5 hectares de chanvre selon les années, récolté fin août, début septembre. Entre-temps, les plantes mâles, qui ne produisent que du pollen, ont été arrachées. Seules les femelles sont cueillies. Elles produisent quelque 200 m3 (environ 100 tonnes) de matière première, hachée avant d’être transformée en huile essentielle. Durant quelques années, l’agriculteur utilisait sa propre distillerie, construite avec son père. Avec la variété actuelle de chanvre, certifiée pour la production alimentaire, il faut environ 2 m3 pour extraire un litre d’huile. Hempfy l’emploie pour parfumer de cannabis son eau plate de source, extraite à Bad Zurzach (AG) et riche en lithium (antidépresseur).
Le paysan d’Ecoteaux, qui traite ses champs principalement avec une machine de désherbage mécanique, veut supprimer tout produit chimique ces prochaines années. Désormais associé à l’entreprise proche de Nyon, il lui confie toute sa récolte, une partie sous forme de chanvre vert pour les infusions de boissons, l’autre pour produire en distillerie l’huile essentielle, très pratique pour l’industrie alimentaire. Tellement Facile SA fournit ainsi les autres clients d’Olivier Sonnay: fabricants d’aliments (chocolats, confitures, barres de protéines, boissons, etc.), de cosmétiques (parfums, shampooings, dentifrices), accessoires de ménages (bougies, savons, produits de nettoyage), aromathérapie et produits de soins (notamment pour sportifs).
Effets médicaux à valider
Les deux fondateurs de Hempfy cherchent à mettre en valeur l’autre principe actif bien connu du chanvre: le CBD ou cannabidiol, pas encore vraiment exploité dans leurs produits. Celui-ci est connu pour ses propriétés anti-inflammatoires, calmantes, analgésiques et anticonvulsives. Diverses études médicales rapportent des bienfaits pour des patients souffrant de maladies cardiovasculaires, épileptiques, de scléroses en plaques et de nombreux autres maux. Toutefois, regrette la société, qui collabore avec des chercheurs de l’EPFL, celles-ci n’ont pas encore été validées pour permettre d’étendre son utilisation.
Tous les produits Hempfy sont fabriqués en Suisse, y compris les nouveaux chewing-gums, sous-traités par une grande entreprise alimentaire, se réjouit Constantin Marakhov. Ceux-ci sont vendus en kiosques en différents parfums à travers deux gammes distinctes, l’une plus courante, l’autre avec des ingrédients quasi tous naturels, notamment le chicle, résine d’arbre tropical du Mexique mâchée par les Aztèques et les Mayas.
Constantin Marakhov, formé dans le domaine de l’économie, a l’ambition d’en faire un produit de qualité suisse, à prix compétitif, destiné également à l’exportation. Sa société distribue déjà boissons et aliments en Allemagne et compte s’étendre au Royaume-Uni, dans les pays nordiques et baltes. Il est lui-même originaire d’Ukraine, alors que son acolyte est Russe; les deux compères se sont installés à Genève mais ils ont concrétisé leurs projets de business dans le canton de Vaud. L’entreprise, qui compte une dizaine d’employés, a une antenne en Allemagne.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.