Honorée, La Doges cherche un peu plus de lumière
Le domaine intègre l'association Clos Domaines et Châteaux. Visite d'un lieu magique et en partie mystérieux.
La Doges se fait discrète dans son écrin des hauts de La Tour-de-Peilz, mais sa tour à créneaux est visible loin à la ronde. Elle sert d'emblème, en quelque sorte, au somptueux domaine sis au chemin des Bulesses, 65 000 m2 de jardins, vergers, vignes, dépendances et sa maison de maître aux mille richesses patrimoniales.
Mais ne demandez pas à monter au sommet. Elle abrite un logement dont le locataire produit le miel de La Doges grâce aux ruches alignées dans le jardin. Voilà l'un des secrets bien gardés, parmi tant d'autres, d'une propriété qui se cherche un peu plus de visibilité (lire ci-contre), mais dont l'histoire récente et lointaine se plaît à conserver sa part de mystère. Plusieurs locataires occupent les appartements situés dans les dépendances et les combles de la demeure principale. De l'autre côté de la cour, la grange est rénovée depuis l'été dernier: dans une odeur de paille, quelques marches donnent accès à une salle de spectacle et conférences.
Avec l'aide de l'État de Vaud, Patrimoine Suisse, section vaudoise a mené d'importants travaux de restauration pendant deux décennies. Elle est propriétaire des lieux depuis 1997, comme voulu par André et Odette Coigny-de Palézieux, descendante de la quatrième génération des Palézieux. En 2003, Patrimoine Suisse a fait classer le domaine qui est en note 2 (d'importance régionale). Elle en a même fait son siège. Le vignoble a, quant à lui, été laissé aux bons soins de la Confrérie des Vignerons qui le bichonne et, historiquement, s'y essaie à des tests de vinification. Autant d'investissements pour la conservation des lieux qui ont convaincu l'association Clos, Domaines et Châteaux d'intégrer le domaine à la mi-juin. Il s'agit de la 25e propriété à pouvoir arborer son bandeau rouge.
En dépit des archives familiales accumulées au cours des siècles, l'histoire et la vie quotidienne de La Doges conservent leurs zones d'ombre. Jasmina Cornut, intendante à 30% avec son époux depuis un peu plus d'une année et historienne à l'Université de Lausanne, espère en éclairer quelques-unes grâce au livre qui paraîtra sur le sujet en 2021.
Un mode de vie à reconstituer
La visite guidée des lieux n'en reste pas moins fascinante. Dans la cuisine, au premier étage du pavillon des domestiques - il n'était pas question de mêler les classes sociales –, le sol en terre cuite est inégal. Le mobilier invite à un voyage dans le temps: l'ancien foyer, le «cendrier» (chauffe-plat d'époque), la cuisinière à charbon. Et le gaz? On ne sait pas. L'évier est en pierre noire de Saint-Triphon, le frigo d'époque en bois, avec son compartiment pour la glace.
Parmi le personnel de maison, la cuisinière était une figure centrale. «Ici, l'historien fait face au silence des archives», avoue toutefois Jasmina Cornut. Tout au plus, une source mentionne une Autrichienne ayant exercé durant 25 ans au XXe siècle «et qui régnait en maîtresse» dans sa cuisine.
À l'étage, la chambre de bonne a été reconstituée sur la base des maigres indices à disposition. Parmi ceux-ci, des noms et des durées des services retrouvés gravés par des femmes de chambre au dos d'une armoire. «Une découverte émouvante.» Le personnel, majoritairement féminin, n'habitait plus sur les lieux dès la Deuxième Guerre mondiale. Dans la petite salle à manger, un tableau d'appel permettait de solliciter le personnel à distance et de préciser le lieu d'où émane la demande. Au mur, Abram-François de Palézieux, dit Falconnet, nous toise du regard.
On débouche dans une salle à manger figée dans le temps: tableaux et faïences au mur, vaisselle en porcelaine de Meissen sur la table, une référence à l'époque. Les serviettes portent le «P» des Palézieux. Certains couverts sont même gravés des initiales d'un membre de la famille. À côté du poêle en catelles, un rafraîchissoir à bouteilles rappelle qu'on aimait déjà le chasselas bien frais.
La visite continue dans les deux petits salons «intimes» qui encadrent le grand salon, «le cœur de l'espace public, car la fonction de représentation était fondamentale dans cette classe sociale». Du reste, c'est ici que le mobilier est le plus précieux. Les consoles sont de style Louis XV, dans l'esprit de toute la pièce. Les tables de jeu laissent l'imagination voguer vers des conversations d'un autre temps. Les portraits de plusieurs générations de Palézieux ornent les parois.
Malgré la beauté des lieux, la famille pratiquait régulièrement la «double résidence» au XIXe siècle. En hiver froid, La Doges était difficile à chauffer. Parmi leurs lieux de repli, les Palézieux résidaient au Grand Hôtel du Lac à Vevey.
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