Dans ses rapports avec l’Union européenne, notre pays a bénéficié d’une chance insolente. Un régime taillé sur mesure lui a été concédé, concrétisé par deux paquets d’accords bilatéraux, en 1999 puis en 2004. Ceux-ci nous apportaient l’accès au marché, la levée des obstacles techniques au commerce, la libre circulation des personnes, l’association à Schengen/Dublin, des facilités pour les transports terrestres et aériens, la participation aux programmes de recherche.
Cette intégration, économique et fonctionnelle à la fois, déployait des effets d’autant plus optimaux qu’elle n’impliquait qu’une reprise limitée du droit européen. Elle correspondait aux aspirations majoritaires de la population, qu’on qualifiera de raisonnablement eurosceptiques.
«La Suisse a été reléguée au statut d’État tiers dans certains domaines.»
Depuis une dizaine d’années, Bruxelles fait savoir que cette intégration à la carte lui apparaît fastidieuse et exige un cadre institutionnel destiné à régler d’éventuels différends ainsi qu’une reprise «dynamique» de son droit lorsque celui-ci évolue. C’est ce processus de stabilisation, qui avait pris la forme du fameux accord-cadre, que nous avons échoué à mettre en place.
Les partis gouvernementaux n’ont pas brillé dans cet exercice. L’UDC a revêtu comme de coutume son habit d’opposant ontologique. La gauche a (sur)joué la protection des salaires. Le PLR s’est déchiré, le Centre a faseyé. Les Cantons ont aussi pris leur part à la curée, minaudant parce que les règles sur les aides d’États allaient les pousser à un peu de transparence.
Depuis cet échec, il s’est produit ce que l’UE avait annoncé. La Suisse a été reléguée au statut d’État tiers dans certains domaines, ce dont la place scientifique est la principale victime. Les accords existants s’assèchent progressivement, au fur et à mesure qu’évolue le droit européen. La discussion ne s’engage pas sur des thèmes qui nous tiennent à cœur, notre grand voisin répétant sans relâche son exigence institutionnelle.
Enrayer le rabougrissement
Les effets de ces blocages ne sont pas négligeables. On observe des déconvenues dans le monde académique et scientifique. On a aussi parlé des difficultés rencontrées par le secteur des technologies médicales. Des problèmes pourraient survenir pour l’industrie du textile, de la construction ou des machines.
Si l’on veut mettre un terme à ce rabougrissement, il faudra bien reprendre les discussions. Dans leur majorité, nos compatriotes le souhaitent car ils sont attachés à la voie bilatérale. Du côté des entreprises, c’est une certitude.
Il en résultera des débats sur les mécanismes destinés à assurer le bon fonctionnement des accords, peut-être aussi sur les mesures d’accompagnement à la libre circulation ou sur les aides d’États. Menons-les! La ligne de crête que la Suisse a choisie, entre ouverture et souveraineté, mérite d’être poursuivie.
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L’invité – Il faut parvenir à stabiliser notre relation avec l’UE
Pour Christophe Reymond, il faut reprendre les discussions avec l’Union européenne, pour remédier aux blocages qui s’installent progressivement.