Préserver les enfants de la fumée. Le principe semble aller de soi. Ce jeudi, la Municipalité de Lausanne a pourtant annoncé qu’elle refusait de créer des espaces non-fumeurs dans les lieux publics extérieurs «sensibles». En particulier les places de jeu et les alentours des écoles, comme le demandait le postulat de l’élu Vert Ilias Panchard.
Cette décision peut surprendre. À une époque où la tendance lourde est de faire la guerre à la cigarette – pour 1000 bonnes raisons – et où la préservation de la santé, particulièrement celle des enfants, semble être la valeur cardinale des politiques publiques, on pourrait même dire que ce refus a quelque chose de choquant. Si on a reproché à cette Municipalité d’avoir la gâchette facile en matière de contraintes, pour ce qui est de la circulation ou des commerces par exemple, fait-elle pour le coup preuve d’un laxisme coupable? Peut-être. Mais on peut aussi saluer cette décision pour ce qu’elle a de sage, voire de courageux.
«Ce qu’on perd est plus dur à mesurer, trop anodin pour peser bien lourd dans la balance d’un débat politique rationnel.»
Les arguments avancés par le syndic Grégoire Junod dans l’interview qu’il nous accorde – notamment l’absence d’études concluantes sur les méfaits de la fumée passive en extérieur – se défendent. Mais l’enjeu essentiel est peut-être ailleurs. Avec chaque nouveau règlement, chaque nouvelle interdiction ou obligation, quelque chose se gagne, quelque chose se perd. Ce qu’on gagne est généralement facile à quantifier: ici, la préservation (fantasmée ou non) de la santé de nos enfants. Imparable. Ce qu’on perd est plus dur à mesurer. Il s’agit souvent d’un peu de liberté, de petits plaisirs, trop anodins pour peser bien lourd dans la balance d’un débat politique rationnel. Additionnés, ils sont pourtant ce qu’on appelle la vie.
Ce matin, maman est descendue au parc avec son fiston, elle a fumé une petite cigarette pendant qu’il faisait de la balançoire. Elle a soufflé la fumée dans l’autre sens, parce qu’elle n’est pas idiote. Fumer, ça n’est pas la gloire, on aimerait mieux s’en passer, mais on est humain, on fait ce qu’on peut. C’était un bon moment tout simple, sans contrainte. Il n’y en a pas tant que ça.
Le politique peut choisir de maximiser le risque minimal. De toujours, dans le doute, proscrire ou contraindre. Mais parfois – et c’est la décision la plus difficile – il peut choisir de laisser faire.
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L’éditorial – Il n’est pas interdit de ne pas interdire
À contre-courant, la décision de la Municipalité de Lausanne de ne pas créer des espaces sans fumée dans les lieux extérieurs fréquentés par des enfants montre une certaine jugeote.