Procès des Barjols«Ils voulaient tuer le président?» les vidéos de gardes à vue secouent le Tribunal
Projeter des extraits d’interrogatoires est une décision rare. Mais leur contenu permet d’éclaircir des potentielles divergences entre les déclarations des gardes à vue et leur retranscription.

Des plans fixes, le bruit de doigts qui pianotent sur un clavier et un flot de questions sur le projet de tuer le président Emmanuel Macron: la diffusion d’auditions de suspects en garde à vue en 2018 a ramené mercredi le procès des Barjols aux origines, parfois brumeuses, du dossier.
C’est le président du Tribunal correctionnel de Paris qui a pris la rare décision de projeter ces extraits des interrogatoires de certains des 13 prévenus soupçonnés d’avoir préparé des «actions violentes» contre le chef de l’État.
Objectif: répondre aux «points de contestation» soulevés par la défense sur des divergences entre les déclarations des gardes à vue et leur retranscription.
Sur l’écran géant de la salle d’audience apparaît d’abord le visage tourmenté d’Antoine D. Il est 14h15 ce 6 novembre 2018 et cet Isérois de 22 ans vient d’être interpellé en Moselle avec trois autres personnes ayant gravité au sein des Barjols, dont l’ancien numéro 2 du groupuscule Jean-Pierre Bouyer.
Un certain «soulagement»
«Même si j’ai rien fait, je vais quand même avoir un truc?» s’inquiète Antoine D. auprès du policier de la direction générale du renseignement intérieur (DGSI) qui cherche à savoir ce qui s’est dit entre les quatre hommes lors d’une entrevue la veille.
Le ton est courtois et transparaît rapidement, chez Antoine D., un certain «soulagement». «Heureusement qu’il y a eu une interpellation», explique-t-il en assurant craindre des représailles de ses coprévenus «vu ce qu'(il avait) entendu» ce soir-là.
«Ils voulaient se faire des centres d’impôts (…), des trucs d’assurance», énumère-t-il, ajoutant toutefois avoir «à moitié» dormi pendant la soirée.
Lors de la seconde audition, le policier se montre bien plus directif: «nous vous informons que Jean-Pierre Bouyer avait le projet d’assassiner Macron avec une lame en céramique».
«Je savais qu’il était énervé contre la politique mais je savais pas qu’il voulait faire ça», répond Antoine D. avant de changer de pied lors de l’audition suivante.
«Il voulait tuer le président, ça, j’étais en désaccord», assure-t-il le 8 novembre, expliquant s’être tu jusque-là par «peur que ça (le) rende complice». «Ils cherchaient quand ça pouvait être le bon moment pour le faire, ils parlaient d’un déplacement», poursuit-il, éclatant parfois en sanglots.
Devant le tribunal, un de ses avocats, Gabriel Dumenil, s’indigne qu’»aucune question" n’ait été posée pendant l’audition sur l’état de santé d’Antoine D., qui souffre de lourds troubles psychiques.
«Loi martiale»
À l’écran lui succède le visage du sexagénaire Jean-Pierre Bouyer, qui affirme d’entrée ne pas voir «ce qu’il a fait de mal» et récuse avoir voulu attenter à la vie du chef de l’État.
«Vous me prenez un peu pour un con», lui lancera le policier.
Pressé de questions, M. Bouyer finit par admettre avoir parlé d’une «lame en céramique» et qu’une attaque contre Macron a pu être vaguement évoquée le 5 au soir.
«Oui, on va dire oui», lâche-t-il, avant de se défendre, parfois maladroitement, de «vouloir aller jusqu’au meurtre». «Je ne voulais rien faire cette semaine-là», «c’est pas moi qui aurais tranché la tête du président, ça c’est sûr», dit-il.
Selon lui, l’entrevue du 5 novembre était en réalité destinée à préparer «ce qu’on allait faire après le 17», date du premier acte de la contestation des «gilets jaunes».
M. Bouyer cherchait alors des armes pour «se défendre» par crainte, dit-il, que cette journée d’action conduise le gouvernement à décréter «la loi martiale».
Là encore, la défense s’offusque. Me Olivia Ronen assure que les propos de son client n’ont pas été «fidèlement retranscrits» et lance «on n’est pas loin du faux en écriture».
Une autre avocate, Me Fanny Vial, dénonce «le manque de sérieux de la DGSI», qui s’est servie des déclarations supposées des uns pour faire pression sur les autres. «On est tous atterrés de ce qu’on voit».
«Ne préjugez pas de ce qu’en pense la juridiction», rétorque le président du tribunal.
Le réquisitoire est attendu jeudi matin.
AFP
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