Inarrêtable, Alice Pauli se laisse cerner par l'écrit et l'image
Alors que le public découvre les dons de la mécène au MCBA, une monographie et un film racontent la galeriste et collectionneuse.

Le lien est fait d'emblée, sensible et subtil! L'ouvrage «Alice Pauli, une galerie 1962-2020» s'ouvre sur une très belle photo de «Luce e ombra» alors que la majestueuse sculpture de Giuseppe Penone était encore dans le jardin de la Lausannoise. La galeriste et collectionneuse l'avait choisie avec l'artiste italien dans l'idée de l'offrir un jour au Musée cantonal des beaux-arts où ses 14,5 mètres se déploient désormais. Mais s'il a fait naître cette riche monographie éditée par Genoud, ce lien entre un mécène et l'institution découle d'un solide historique. De cette trajectoire hors du commun commencée dans le monde de l'horlogerie. De ce regard pointu internationalement reconnu. Mais surtout de cet engagement passionnel pour l'art, les artistes et pour Lausanne porté par une énergie d'une rare intensité et longévité.
Alice Pauli – elle le confiait encore en juin dans ces colonnes avant de partir pour son 47e Art Basel – n'aime pas insister sur son âge. «Est-ce que c'est nécessaire? Si je le disais, on penserait sûrement que je ne peux plus travailler à cet âge-là.» Talonnant de peu l'un de ses artistes, le centenaire Pierre Soulages, l'infatigable n'est pas davantage fan des confidences. Persuasive autant que passeuse ingénieuse, elle a l'art de toujours réorienter la conversation sur les artistes, mais même à ce stade, il est difficile de lui arracher un commentaire personnel sur une œuvre. Si l'artiste est là, c'est lui qui parle! Sinon, en collectionneuse ressourcée par le dialogue intime avec l'œuvre, la galeriste aux plus de 400 expositions laisse aux autres le temps du jugement subjectif.
Rôles inversés
Au fil des 264 pages d'une monographie généreusement illustrée pour donner la pleine mesure d'une collection qui cumule les personnalités artistiques fortes, l'exercice s'avère autre. «Dame Alice» – comme l'écrit Françoise Jaunin – n'a plus le choix. Les questions de la critique d'art cueillent la jeune Jurassienne dans sa première vie et l'accompagnent jusque dans ses projets à venir. Et les mots dessinent une femme de son temps qui a suivi celui qui passe en curieuse invétérée, tout en restant attachée à ses valeurs. Alors la nouvelle démesure du marché de l'art? La question «l'embarrasse». «C'est vraiment un autre monde et un fonctionnement qui n'a plus rien à voir avec celui des galeries classiques.»
«Ce sont les bons artistes qui font les bonnes galeries»
Entre tous ces mots – les siens et ceux du critique d'art Laurent Wolf parti à sa rencontre – percent aussi ses profondes déchirures. La perte de son mari Pierre Pauli à 54 ans et de son fils, Olivier, à même pas 40 ans. Initiée à deux, propulsée par une dynamique commune transcendée dans la création d'événements inédits comme les Biennales de tapisserie (1962-1995), les Galeries-Pilotes (1963-1970), l'aventure de l'art devait se poursuivre à trois. La première galerie ouvre en 1962 à l'avenue de Rumine, la seconde en 1990 au Flon avec Pierre Soulages convaincu par Olivier Pauli. Restera une flamme ardente et une conviction commune. «Ce sont les bons artistes qui font les bonnes galeries.» Ils font aussi les bons livres! En acceptant de poser noir sur blanc leur admiration pour leur «grande dame», les Penone, Poirier, Verdier, Cognée, Nunzio, Guiran, Lapie inversent les rôles en exposant leur «fierté» et leur «reconnaissance».
----------
Lausanne, MCBA Sa 30 nov. (10 h 30), table ronde avec les auteurs Inscriptions: florence.dizdari@vd.ch
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.