Rencontres du 7ème artIrons, Seydoux, Dujardin… pluie de stars à Lausanne
Durant 9 jours, cinéastes, acteurs et actrices font un crochet par la capitale vaudoise à l’occasion de la 6e édition du rendez-vous dédié au cinéma.

Les Rencontres du 7e art Lausanne déroulent leur programmation du 4 au 12 mars, avec tous les jours des invités de marque qui passeront par Lausanne pour recevoir un Prix, présenter un film, animer une masterclass. Qui ne faut-il pas manquer?
Un invité d’honneur: Jérémy Irons

Au fronton de son château irlandais de Kilcoe, Jeremy Irons a fait graver: «De nombreux cœurs reposent en ces murs. Quatre ans nous avons travaillé, et nous fîmes de notre mieux avec ce que nous savions. Et ce que nous fîmes, vous voyez. Anno domini 2002.» Plus de vingt ans plus tard, le comédien engouffre encore ses larmes et rires de théâtre et cinéma dans la ruine du XVe siècle. Au-delà de l’anecdote, cette persévérance le résume, jusque dans une carrière qui dure avec élégance.
Architecte d’une filmographie des plus originales, ce gentleman pratique à l’écran ou à la scène avec une liberté qui le guide aussi dans ses restaurations. Jouer du jazz sur une partition du Moyen Âge, expliquait-il lors d’une rencontre à Zurich. Cette polyvalence lui a permis d’être couronné par le «Triple Crown of Acting»: un Oscar, un Tony et un Emmy.
Dans un parcours qui allie septième art et théâtre, l’élégance donne le cap. De la noblesse de l’art à l’artisanat d’une industrie, cet amoureux des planches venu plus tard au cinéma trace sa route à l’instinct. Qu’il trouble le jeu ou cultive l’ambiguïté, du lion félon Scar du «Roi lion» aux jumeaux gynécos de «Faux-semblants», ensorcelle de «La maîtresse du lieutenant français» au «Mystère von Bülow», épate en brute cynique dans «Die Hard», Irons règne, 74 ans fraîchement posés là, en seigneur du château. Et du royaume cinéma.
Rencontre di 5 (19 h) avant «Un amour de Swann» de Schlöndorff. À voir, en présence du comédien «La maîtresse du lieutenant français» de Reisz (sa 4, 17 h), «La maison aux esprits» d’August (di 5, 10 h), «L’homme qui défiait l’infini» de Brown (lu 6, 18 h). Infos détaillées: Le site des Rencontres 7e art Lausanne
Une invitée d’honneur: Léa Seydoux

À 37 ans, Léa Seydoux ne fronce plus du nez au rappel de ses origines bourgeoises. Et pour cause, même si elle est de la lignée des plus influents décideurs du cinéma français, la Parisienne s’est forgé un nom à la sueur de son talent. Aucune fortune ne vous achète une filmographie pareille, taillée à l’arraché en autodidacte. Il y a déjà quelques années, celle qui à ses débuts batailla contre l’étiquette de blonde potiche pouvait clamer avec un sourire énigmatique: «Si on met mes rôles les uns à côté des autres, j’en ai vécu, des choses: j’ai été lesbienne avec les cheveux bleus (ndlr: et palmée d’or pour «La vie d’Adèle»), j’ai été lectrice de Marie-Antoinette à Versailles (ndlr: et citée au César), j’ai été James Bond girl (ndlr: et à deux reprises, éternelle femme de la vie de feu 007 Daniel Craig), j’ai été la sœur qui fume des joints…»
En somme, cette fille-là, cheveux bleus ou pas, a de la conversation. Muse «frenchie» de Wes Anderson ou Woody Allen, actrice tout court pour Desplechin, Bonello, Villeneuve, la comédienne pratique le tout-terrain avec une grâce de marathonienne et une discrétion de diva. Léa Seydoux, ancienne timide de son propre aveu, qui se rêvait chanteuse d’opéra pour échapper à son milieu, apprécie les montagnes suisses, elle qui faisait des allers-retours entre Le Valais, où elle tournait «L’enfant d’en haut» pour Ursula Meier, et les plateaux hollywoodiens de «Mission impossible». Aux Rencontres, ce sera peut-être pour elle l’occasion de croiser son jeune partenaire d’alors, Kacey Mottet Klein.
Films et rencontre: «Juste la fin du monde» de X. Dolan (je 9, à 19 h, Pathé Galeries). Discussion avec Léa Seydoux à l’issue de la projection. Cérémonie de clôture, suivie de «L’enfant d'en haut» d’U. Meier (sa 11, 17 h, Paderewski). Infos détaillées: Le site des Rencontres 7e art Lausanne
Cédric Klapisch, cinéaste éclectique du film à la série.

Quand Cédric Klapisch affirme «que le plaisir d’un réalisateur, c’est de pouvoir changer de vie à chaque projet», il ne faut pas le prendre à la légère. Cet homme affiche le même désordre cosmopolite que son travail, de «L’auberge espagnole» en «Poupées russes». Cédric Klapisch se découvrira encore d’un fil en avril avec une suite en série streaming à ces films en charade, «Salade grecque».
Entre-temps, le frais sexagénaire – à Lausanne pour présenter plusieurs de ses films et participer à une Masterclass – aura revêtu son smoking pour assister aux César. Son sobre hommage à une danseuse de l’Opéra de Paris y a reçu neuf nominations, «En corps», y a recevait neuf nominations. Avec la fraîcheur d’une étoile filante, l’auteur y envisage les deuxièmes vies. C’était déjà le cas à ses débuts, quand il sortait en 1994, «Le péril jeune». S’en souvient-il? «Oh, à l’époque, j’avais 31 ans, j’étais tout bêtement heureux de vivre mes rêves d’adolescent. Fabriquer des images, des histoires. J’étais tout fier, je sentais qu’avec ce film, ces nouveaux acteurs comme Romain Duris, nous étions dans le début d’une aventure.»
D’un téléfilm comme «Le Péril jeune» qui devient marqueur d’une génération, à une pièce de théâtre comme «Un air de famille» qui devient une adaptation culte, Cédric Klapisch prend souvent des chemins de traverse. «Il faut quitter l’autoroute pour voir du paysage, décider d’aller où il ne faut pas. C’est là que se révèlent les mondes. En ce moment, nous vivons un carrefour passionnant. Je n’ai pas peur, le cinéma en a vu d’autres.»
Projections: «En corps», me 8 (18 h 30); «Le péril jeune», je 9 (19 h 30) précédé d’une rencontre avec le réalisateur. Masterclass je 9 (17 h)
Emmanuelle Seigner, libre arbitre

Emmanuelle Seigner, dans «Une vie incendiée» (2021, Éd. L’Observatoire), raconte un bout de sa vie rock’n’roll. En 2009, son mari Roman Polanski risque l’extradition vers les États-Unis, ils se réfugient dans leur chalet de Gstaad. En femme forte, elle pèse les faits, décrypte le contexte passionnel du moment, la permissivité des mœurs d’alors, l’engrenage de la justice américaine. C’est dit clair et fort, écrit pour ses enfants bientôt trentenaires, pour Roman, 90 ans en août prochain. Et sans doute, pour pouvoir parler d’autre chose, comme «La Vénus à la fourrure». L’actrice présentera cette adaptation libre du roman érotique de Von Sacher-Masoch qui valut en 2014 à Polanski le César du meilleur réalisateur et une multitude de nominations à son équipe. Le monde du spectacle s’y effeuille avec un talent fou, elle aussi.
Dédicace Me 8 (18 h), librairie Payot Film présenté «La Vénusà la fourrure» de Roman Polanski (me 8 à 20 h, Pathé Les Galeries)
Danièle Thompson, une vie de cinéma.

Danièle Thompson s’amuse: «Quand je présente les films de mon père Gérard Oury – «La grande vadrouille», «L’as des as», etc. – et que je demande à la salle qui les a déjà vus sur grand écran, c’est tout juste s’il y a une ou deux grands-mères qui lèvent la main.» Mais cet héritage, encore auréolé par Louis de Funès, reste vif dans les esprits. La fringante octogénaire a écrit de fameux dialogues. Mais elle n’a rien d’une rentière nostalgique.
Pourtant, l’actuel état des lieux de la comédie en France ne l’enthousiasme guère. «La première grosse différence, nuance la scénariste de «La boum», c’est que nous ne faisions pas attention au qu’en-dira-t-on, à ces histoires de «wokisme», etc. Un film comme «Rabbi Jacob» serait recalé de nos jours, estampillé raciste ou xénophobe. Désormais, par crainte de ridiculiser les particularismes, les scénaristes s’autocensurent eux-mêmes.»
C’est pourtant le job qu’elle préfère, elle qui ne passa à la mise en scène qu’en 1999. «J’avais la cinquantaine, l’envie de ne pas avoir de regret, alors j’ai plongé pour «La bûche», un succès. J’ai eu la chance de toujours pouvoir avancer à ma guise. Tiens, à 18 ans, quand je suis partie aux États-Unis, c’était pour m’éloigner du métier de mes parents. Je les avais vus ramer beaucoup, vivre fauchés dans le suspense des fins de mois, ma mère qui souffrait de toujours devoir séduire, mon père dans l’attente du téléphone qui sonne. Puis c’est lui qui est venu me récupérer pour l’aider sur «Le corniaud». Là, j’ai compris que c’était trop bien de se lever le matin pour aller bosser sur des aventures pareilles. Une suite de petits miracles.»
Danièle Thompson a toujours su où était sa place. «Celle du scénariste. Je m’enchante d’écrire des scènes. C’est vraiment libérateur de pouvoir tout à coup décider de ce qui se dit entre deux êtres.» Par contre, insiste-t-elle, «il faut ensuite disparaître du plateau, l’auteur n’y a pas sa place.» D’où sans doute la belle paix des familles chez les Thompson. «Je travaille avec mon fils Christopher depuis vingt-trois ans. Nous venons de boucler la série «Bardot». Oh, du feuilleton, j’en faisais déjà dans les années 70, j’ai toujours aimé ce format, bien avant que cela ne redevienne à la mode!»
Rencontre après «La Reine Margot», di 5 (14 h 30), Paderewski. Projectionde «La Bûche» lu 6 (19 h), Pathé Les Galeries, présenté par la réalisatrice.
Jean Dujardin, en avant-première

Le comédien oscarisé vient présenter «Sur les chemins noirs». Dans ce film, le réalisateur Denis Imbert prend ses libertés pour mieux respecter le récit du routard des lettres, Sylvain Tesson. En 2014, en visite à Chamonix chez son ami Jean-Christophe Rufin, cet amateur de sensations fortes monte sur le toit, une vieille habitude chez lui. Mais cette fois, il chute. Victime de multiples fractures et traumatismes, de surdité, Tesson se promet que s’il s’en sort, il traversera la France à pied, par les campagnes du Mercantour au Cotentin. Jean Dujardin l’interprète. À suivre, forcément.
Projection en présence de Jean Dujardin et Denis Imbert, Ma 7 (20 h) Pathé Flon
Le film? Aventure (F – 95’). De Denis Imbert, avec Jean Dujardin, Annie Duperey. Débat à l’issue de la projection.
Sergei Loznitsa, franc-tireur

Sergei Loznitsa, il y a cinq ans au Festival de Cannes, voyait «Donbass, douze leçons de survie» honoré du Prix de la mise en scène. La guerre avec la Russie a depuis confirmé ses pires prémonitions. Jadis, ce documentariste ukrainien se vouait à une carrière scientifique, perfectionnant l’étude des prises de décision par intelligence artificielle. Á 58 ans, il n’a cessé de dénoncer l’engrenage des barbaries. L’an dernier, il claquait la porte de l’European Film Academy, la jugeant trop tiède face à l’invasion de l’Ukraine. Puis se voyait exclu de l’Académie cinématographique ukrainienne. Le prix à payer pour une parole libre? Le réalisateur présente également «Babi Yar. Contexte».
Masterclass après «Babi Yar. Contexte» (di 5, 10 h, Paderewski). À voir aussi «Donbass» (di 5, 15 h, Pathé Les Galeries)
Emmanuelle Devos lit Colette

Colette revisitée qui en fait fantasmer plus d’un en chuchotant «Sur mes lèvres» n’inspire pas que les cinéastes. La muse de Jacques Audiard ou Desplechin, aussi «césarisée» que «moliérisée», fréquente avec bonheur les écrivains. Après Edna O’Brien, la voilà qui lit Colette à l’occasion des manifestations présentées à la Fondation Michalski pour le 150e anniversaire de la naissance de l’auteure.
Fondation Michalski, sa 4, visite guidée de l’expo par Frédéric Maget (17 h 30) Lecture 19 h (complet).
Mathias Malzieu, créateur tout terrain

La dernière fois que Mathias Malzieu est apparu en Suisse, c’était sur les quais de Morges, en président du Championnat du monde d’instants poétiques. Cinéaste, romancier, musicien… le mordu de Boris Vian et chanteur du groupe Dionysos déploie un esprit en arborescence. À Lausanne, ce sublime olibrius revient sur un amour passé, le livre disque «La mécanique du cœur» qui devint un film en 2014. Sur sa manie à hybrider les supports, Mathias Malzieu n’a qu’une explication, un mal gravissime qui faillit l’emporter et le pousse à décupler le temps. Sortez l’ukulélé, la somptueuse histoire de Jack va vous chavirer!
Rencontre et projection di 12 (14 h), dédicace di 12 (17 h).
Rencontre musicale avec Dionysos sa 14à 14 h 30, à l’EJMA.
Infos détaillées: Le site des Rencontres 7e art Lausanne
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.