Jacques Nicolet et Cesla Amarelle croisent le fer
Les deux conseillers nationaux veulent devenir conseillers d'Etat. Débat entre la parlementaire la plus à gauche et le président d'un parti qui a durci le ton.
L'élection du Conseil d'Etat se résume à un enjeu: la gauche doit-elle y garder la majorité? C'est donc à un duel qu'on assiste dans cette campagne, un choc entre deux conseillers nationaux qui sont les grands favoris. La gauche espère garder sa suprématie gouvernementale avec la socialiste Cesla Amarelle. La droite, elle, veut récupérer sa majorité avec l'UDC Jacques Nicolet.
Selon toute vraisemblance, ils reprendront les dossiers de l'Ecole et peut-être de la Culture, car l'actuelle ministre socialiste Anne-Catherine Lyon se retire du gouvernement. Ils ont déjà croisé le fer sur ce thème, mais le Canton a, depuis lors, indiqué que la réglementation serait adaptée cet été. Les deux concurrents sont venus cette semaine débattre de plusieurs thèmes au centre même de la rédaction de 24 heures. Retrouvez des extraits de ce débat sur notre site Internet www.24heures.ch.
Cesla Amarelle, vous êtes la plus à gauche des parlementaires vaudois. Comment intégrerez-vous le gouvernement consensuel?
C.A.: A Berne, les socialistes romands sont toujours classés comme les plus à gauche. La politique, c'est des actes. Et j'ai un bilan en matière de compromis. Dans le dossier de la migration, notamment, sur l'application d'une loi permettant la préférence indigène light sur le marché du travail suisse. C'est cette expérience politique que je veux porter au sein du gouvernement.
Jacques Nicolet, votre parti a durci son ton. Est-il prêt à quitter l'opposition et à nouer des compromis avec la gauche?
J.N.: Mes votes à Berne confirment que je suis un homme de compromis. J'ai voté pour le fonds routier FORTA, qui est un excellent compromis pour le canton de Vaud, ainsi que pour la RIE III fédérale. Sur le plan vaudois, j'ai toujours été contre l'idée de se cantonner à l'opposition, comme l'aimeraient certains membres de l'UDC Vaud. Qu'on soit au Conseil d'Etat ou pas, on doit avoir en permanence une vision gouvernementale, en se demandant: «Qu'est-ce que je peux apporter comme contribution à mon canton?» Regardez le nombre de municipaux et de syndics UDC dans nos communes. Ici aussi, on fait des compromis au quotidien. Ce n'est pas parce qu'on est UDC qu'on n'en est pas capable.
Dans un contexte de compromis, le Conseil d'Etat proposera une nouvelle mouture de la RIE III vaudoise, après l'échec de la réforme fédérale. Faudra-t-il conserver les prestations sociales, comme la hausse des allocations?
J.N.: C'est la lecture que j'en fais. Il faut être cohérent, lorsqu'on s'engage au travers de certaines promesses. Au niveau national, une réforme fiscale va avoir lieu. J'estime que les engagements pris à l'endroit des citoyens et des familles, et également à l'endroit des entreprises, devront être tenus. C'est l'avis que je défendrai au Conseil d'Etat.
C.A.: On espère que, d'ici à 2019, Berne va pouvoir régler la question de la suppression des statuts spéciaux et maintenir le milliard qui serait réalloué aux cantons. Ça permettrait de conserver la feuille de route telle qu'elle a été envisagée. Sur la question fiscale, il y a des discussions. Cette feuille de route a été si largement plébiscitée qu'il existe un danger évident à se dire qu'il faudrait la détricoter.
La loi sur l'enseignement obligatoire (LEO), élaborée par Anne-Catherine Lyon, doit déjà être réformée. Quelle est votre solution?
C.A.: La LEO a permis un passage de trois à deux voies, comme dans 22 cantons. Sa deuxième grande force, c'est de faciliter les passerelles entre voies générale et prégymnasiale. C'est vrai qu'il y a des réajustements à faire, parce que la mise en application de cette loi est devenue très complexe de fait.
Que dites-vous aux parents concrètement?
C.A.: Il s'agit de renforcer la maîtrise de classe. Il va falloir peut-être réaménager la grille horaire pour que le maître de classe voie ses élèves plus régulièrement. Ça crée une dynamique de groupe et ça permet de détecter quand il y a des problèmes de décrochage. Il y a des moyens socio-éducatifs qui doivent être davantage renforcés. Il y a aussi le renforcement de la filière professionnelle. On a passé dix ans à parler du système de sélection et le résultat, c'est que 2500 jeunes de 18 à 25 ans n'ont pas de diplômes et vont à l'aide sociale. Je pense qu'il faut tirer les conclusions de ces débats un peu stériles et faire en sorte que tous les élèves vaudois sortent de l'école avec un diplôme.
Le renforcement de la voie professionnelle, c'est exactement ce que demande l'UDC.
J.N.: On se rend compte qu'en voie générale, il y a trop de disparités. Il est important d'apporter un appui aux élèves qui sont peut-être les moins scolaires et qui, eux, se destinent à suivre un apprentissage. Sur la maîtrise de classe, je rappelle que l'UDC évoque son renforcement depuis plus de dix ans. Pour des élèves qui ne passent que deux ou trois périodes par semaine avec leur prof de classe, c'est difficile d'avoir une relation et un repère.
Et sur la formation professionnelle?
J.N.: La formation professionnelle, c'est surtout d'axer et d'accompagner les jeunes à proximité des entreprises formatrices. Il est important d'assurer une bonne transition entre l'école et le monde du travail. Notre objectif est d'encourager les jeunes à reprendre le chemin des apprentissages de certains métiers manuels, peut-être oubliés, de l'artisanat. La gauche a fait un immense travail pour saper ces professions, parce qu'on voulait envoyer tous les élèves au gymnase. Un directeur de centre d'enseignement professionnel – socialiste en l'occurrence – m'a dit qu'on constate un abaissement relativement criant du niveau des gymnasiens, parce que c'est un petit peu un fourre-tout. Si j'ai la chance d'être élu, je m'engage à rétablir le contact avec le monde des enseignants, avec les établissements scolaires. Je garantis que, sur les trois premiers mois, je fais le tour de tous les établissements scolaires du canton.
Le PS a-t-il «sapé» la formation professionnelle et construit un gymnase «fourre-tout»?
C.A.: Il faut faire très attention aux termes. L'école a besoin de stabilité. Il est absolument nécessaire de renforcer le dialogue avec les enseignants, avec les parents. Et puis aussi avec les enfants. Parce qu'au cœur de tout, il y a les enfants et c'est pour ça qu'il est très important de ne pas utiliser des termes comme «revaloriser les métiers oubliés», ou «saper la formation professionnelle».
Quelle est votre vision pour l'avenir de la culture, actuellement dirigée par Anne-Catherine Lyon?
J.N.: Construire un nouveau Musée cantonal des beaux-arts (MCBA), c'est bien. Mais il faudra l'animer et il y a tout un travail à assurer sur ce plan. Le Canton a fait de grands efforts pour mettre en valeur la culture, notre histoire, au travers de ses musées. Je vais poursuivre sur cette lancée.
C.A.: J'attache beaucoup d'importance à l'idée qu'on puisse avoir un lien fort de transmission entre la formation, la culture et le patrimoine. Une des mesures est le MCBA bien sûr, qui est en pleine effervescence. Mais on voit que les montants au budget de la Culture ne «touchent» que 7% de la population. Il faut démocratiser la culture et engager des mesures sur le Pass Culture notamment. Vingt-quatre lieux supplémentaires sont intégrés dans le Pass Culture depuis le début de la législature. Il est important de continuer à le développer.
J.N.: L'économie est aussi active dans la culture, deux éléments qui se marient très bien. Il n'y a pas d'économie sans culture et pas de culture sans économie.
Quel art vous touche-t-il personnellement?
J.N.: Est-ce que Paléo, c'est de l'art? Alors oui, les festivals, tels Paléo ou le Cully Jazz. C'est un moment où l'on peut débrancher, ne plus être le politicien en costume, mais le citoyen qui écoute un concert, qui prend du plaisir avec sa famille et ses amis, des moments d'échanges, de richesse et de décompression extraordinaire.
C.A.: C'est impossible de se positionner. Tout au long d'une existence, l'art nous accompagne. Certains arts m'ont accompagnée de manière très forte à certains moments de ma vie, comme le théâtre, la musique, les arts plastiques. Un dessin d'enfant me touche comme une œuvre musicale. Toute œuvre qui nous interpelle sur le plan critique est intéressante.
Le Canton fait des bénéfices de plusieurs centaines de millions de francs depuis douze ans. N'est-il pas temps de songer à une baisse de l'imposition sur le revenu?
J. N.: C'est l'initiative que les Jeunes PLR ont lancée (ndlr: pour augmenter la déduction fiscale des primes d'assurances-maladie). Elle améliorera le pouvoir d'achat de la classe moyenne, qui est tannée par l'impôt et à qui il faut savoir dire merci. Cela augmente le pouvoir d'achat et profite à tout le système, à l'emploi, au social. Car 1 franc placé rapporte deux fois moins que 1 franc investi.
C.A.: Cette initiative ne favorise pas la classe moyenne, mais les revenus supérieurs. C'est démontré: ce ne sont pas les baisses d'impôt qui compensent la baisse du pouvoir d'achat, mais les redistributions opérées par l'Etat: subsides à l'assurance-maladie, les allocations familiales, etc. Le Conseil d'Etat a un vrai bilan sur ce plan, et il a encore un grand projet de limiter à 10% l'impact des primes maladie sur le budget des familles
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