Jacques Perritaz sublime les variétés oubliées dans ses cidres
Le producteur fait pousser à Rue (FR) des espèces anciennes de pommes et de poires. Le projet PUR, qui aide à la reforestation partout dans le monde, lui apporte une aide financière bienvenue.

A l'heure des grands départs, nombreux sont les vacanciers qui se voient invités, dans les hôtels, à conserver leur linge de toilette au-delà d'un jour. Une petite étiquette indique, la plupart du temps sans autre précision, que le geste sera favorable à l'environnement. Ceux qui séjourneront dans un établissement du groupe Accor sauront désormais que ce coup de pouce vert trouve des répercussions dans des projets de reforestation à l'échelle mondiale, mais aussi en Suisse. Et notamment à Rue, dans le canton de Fribourg. Derrière le château médiéval de la jolie localité, un verger bucolique attend le visiteur. Jacques Perritaz y fait pousser quelque 150 variétés anciennes ou oubliées de pommes et de poires. Le but n'est pas seulement de les faire revivre, mais surtout de les valoriser dans des cidres d'exception. «En Suisse, il y a pas mal de vergers de conservation, mais on ne fait rien des fruits», observe-t-il.
Jacques Perritaz était biologiste indépendant, spécialisé dans la protection de l'environnement. Un jour, il en a eu marre. «J'ai voulu agir moi aussi, au lieu de dire aux autres ce qu'ils devaient faire, et de remplir des pages et des pages de rapports que personne ne lirait.» Alors, pour défricher des territoires peu explorés en Suisse, il s'est lancé dans la production de cidre, dans sa fabrique du Vulcain, au Mouret près de Fribourg. Parce que «la pomme parfaite n'existe pas», il a commencé à tester divers mélanges de fruits.
Dans les 40'000 bouteilles annuelles qu'il produit figurent 8 cuvées différentes. Certaines ne résultent que d'une sorte de pomme, la boskoop ou la bohnapfel, dite aussi pomme de fer, d'autres font se concentrer trois espèces, comme sa toute dernière création «A propos d'ailes» ( photo ci-contre), qui combine tobiasloch, boskoop et bohnapfel. Dans certains autres mariages, par contre, se côtoient cinquante ou cent variétés. «Pour le cidre, plus il y a de sortes, plus c'est intéressant.» Certains nectars encore invitent la poire et le coing.
Sur les grandes tables du monde
De subtiles alliances que ce défricheur crée avec un certain succès. Ses créations se retrouvent à la carte de tables gastronomiques comme au Royal Savoy à Lausanne, mais aussi à Paris, à New York, à Tokyo, ou encore au célèbre Noma de Copenhague.
«Il est difficile de cumuler en une espèce de pommes toutes les qualités intéressantes. Certaines sont incroyables, comme la tobiasloch de Thurgovie, qui développe des arômes de miel, d'épices, safran ou girofle, mais elle manque d'acidité. Il faut compenser avec d'autres sortes, afin d'équilibrer tanins et acidité.»

En parallèle, il s'est donc lancé le défi un peu fou de replanter des sortes de pommes disparues propices pour le breuvage. «Je souhaitais redonner vie à de nombreuses variétés d'arbres de toute la région.» Parmi elles figurent beaucoup de spécimens non répertoriés du canton de Fribourg. Certaines ont été si bien oubliées qu'on ne connaît même pas leur petit nom. L'agriculteur a aussi planté d'autres espèces connues au niveau européen pour donner du bon cidre. Les plants viennent de Bretagne bien sûr, mais aussi de Normandie, d'Allemagne ou encore de Russie. Parmi les plus représentées dans son verger de Rue, la rose de Torny, «exceptionnelle pour le cidre. Les pommes de table, par contre, ne m'intéressent pas.»
Depuis les premiers arbres plantés il y a 4 ans sur cette parcelle qu'il loue, 2500 y ont poussé. Il faut ensuite patienter 5 à 7 ans avant qu'ils donnent des fruits. L'an passé, 650 ont bénéficié des subventions du projet PUR, 150 cette année, et il est prévu d'en planter encore 150 l'an prochain. «Je l'aurais fait de toute manière, mais l'argent reversé par ce projet, soit 10 fr. par arbre, paie un peu mon travail.» Car il finance ses expérimentations avec la vente de ses cidres.
Sans traitement
Pour l'instant, Jacques Perritaz fait croître son verger de façon 100% naturelle, sans aucun traitement. «J'ai souhaité travailler en favorisant au maximum la biodiversité, et de manière extensive, pour privilégier la qualité des fruits.» Entre les plants de pommes et de poires se trouvent des coings ou des pêches de vigne. «J'ai complanté de nombreuses variétés, de manière à désorienter les ravageurs.» Pour limiter leur prolifération, il compte aussi sur les «auxiliaires» tels que coccinelles, chrysopes ou encore le syrphe, «une mouche qui ressemble à une guêpe et dont les larves, carnassières, s'attaquent aux pucerons».
Au pied des arbres s'épanouissent herbes, mauves ou marguerites, et même de l'origan. «Ce champ a été pendant longtemps une jachère florale, et des semences subsistent dans la terre.» L'homme n'y intervient qu'à l'aide d'une broyeuse, qui réduit les herbes, formant un tapis qui va fertiliser le sol. «J'adorerais ajouter des bandes de légumes et de céréales pour augmenter encore la biodiversité, mais je n'y arrive pas pour l'instant au niveau de la logistique.» En attendant, l'arboriculteur sera bientôt chargé, à l'école d'agriculture de Moudon, d'un verger conservatoire de 800 variétés. Et le cidriculteur continue à explorer les alchimies gustatives les plus convaincantes pour ses nectars.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.