«Je ne voulais pas tirer sur la ficelle du maillot»
Le réalisateur de «Camping» passe au club «All Inclusive». Interview.

Trois virées au Camping des Flots Bleus ont sacré Fabien Onteniente «cinéaste balnéaire» en près de 20 millions de spectateurs. Cette ferveur populaire, le sexagénaire l'a découverte tout môme, quand une équipe de tournage débarqua dans son Val-de-Marne. «J'avais 8, 10 ans, en short de velours, et mes idoles, Darry Cowl, André Pousse, Jean Carmet, se matérialisaient sous mes yeux. Une troupe! Des camions! Moteur, action! Et voilà Michel Audiard (ndlr: le réalisateur des «Tontons flingueurs» tournait «Elle cause plus… elle flingue») qui me dit, une clope aux lèvres: «Petit, prête-moi ta chaussette.» Bon, pour finir, elle n'a pas servi mais il m'a donné 5 francs, une pièce en argent. Bien plus tard, j'ai appelé ma société La Chaussette Rouge.»
Un peu comme son collègue Martin Scorsese, au fond, qui a baptisé la sienne The Red Shoes, en hommage à Michael Powell et aux «Chaussons rouges». À chacun ses références. Fabien Onteniente aime raconter la franchouillardise gauloise, avec campeurs, parieurs de PMU, supporters de foot. Le Parisien la nimbe de fugitives angoisses existentielles. Dans «All Inclusive», le voilà en classe low cost, pour une semaine de vacances en Guadeloupe avec son acteur fétiche, Franck Dubosc. Le Bronzé, qui ne s'appelle plus Patrick Chirac, demeure en Jean-Paul Six, pape du fessier démarqué. Un gentil arnaqueur qui squatte la suite d'un Français moyen largué en pleine lune de miel.
La critique vous flingue si volontiers. Ça vous heurte? Je ne dirai pas que ça me laisse de marbre, même si, avec le temps, ce qui m'intéresse, ce sont les salles pleines. Puis, en toute immodestie, je sais avoir pu, parfois, voir des trucs en avance, le business pourri du foot par exemple, dans «3 zéros». Le succès, c'est toujours une histoire de timing.
Trois «Camping» pour vous imposer, c'est long, non? Au premier, les gens se pinçaient le nez, ça puait trop la merguez et la glacière. À l'époque, entre nous, des auteurs comme Jacques Rivette et Alain Cavalier, m'ont encouragé. De là, je n'ai pas changé de cap. Je rêve d'inverser le dosage, que le rire ne domine pas le drame. Tout en restant cette soupape nécessaire. Ici, je ne voulais pas tirer sur la ficelle du maillot. J'ai même un projet plus sombre mais la plupart des producteurs n'imaginent pas que je puisse mettre en scène un truc pareil. Notez, chaque fois que nous nous croisons, l'acteur Vincent Lindon me balance: «Tu le fais quand, ton film?»
Face à ces poids lourds – à la fois humoristes et cinéastes – que vous dirigez, que reste-t-il de votre patte? Mon apport à moi, c'est la mélancolie, un domaine où je me sens tellement plus à l'aise que dans le rire. J'ai toujours considéré la vie qui m'entourait avec ce sentiment de spleen, de temps perdu qui passe. Je n'écoute que des musiques tristes à la maison. Je me complais dans les feuilles mortes, mes souvenirs d'enfance heureuse à la Petit Nicolas, le Tour de France que j'écoutais à la radio ou ces BD dans «Pilote», que je dévorais, qui m'évadaient.
Mais vos films sont bruyants! Oui, même si Benjamin Biolay a composé la musique d'«All Inclusive». Ça fait du bruit parce que dans les campings et les clubs de vacances, la bande-son commence à 7 h du matin. À la première lecture, des histoires comme «Camping» ou «All Inclusive» peuvent paraître très joyeuses. Mais en grattant dans ces trompe-l'œil, gît cette atmosphère façon «L'Hôtel de la Plage», Mort Shuman, les marées en Bretagne, les rochers et autres écorchures sentimentales.
Les vacanciers français ont-ils changé ces dernières années? Le camping coûte plus cher qu'une semaine tous frais compris aux Caraïbes! La dame qui préfère ça à la maison de retraite, c'est une anecdote authentique. Au-delà, malgré notre hyperconnexion, nous avons du mal à nous rencontrer. Même si, pour être parti en exploration dans ces clubs, je suis mitigé sur l'expérience.
En quoi? Ces petits couples qui se serrent, en partance pour le bout du monde pour la première fois, c'est sympa. Ça construit des souvenirs. Ces gens qui se mitraillent avec leur téléphone, ces photos qu'ils ne regarderont jamais, ça laisse aussi une amertume.
Mais vous ne jugez pas... Je refuse de me moquer. Il m'est plus facile de raconter mes contemporains dans ces paradis en trompe-l'œil que dans la réalité parisienne. Prenez les «gilets jaunes». Malgré tous ces jaunes différents subsiste aussi une fraternité ouvrière que je respecte. Mon père était un colleur d'affiches, je connais ce sentiment qu'aller manifester, c'est aussi se faire des copains.
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Comédie (Fr., 92', 10/14) Cote: *
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