«Je promets de tout faire pour ne pas vous décevoir»
Elu en deux petits tours de scrutin, le nouveau conseiller fédéral place la cohésion nationale et la défense des libertés au cœur de son action.
«Je vous promets de rester le même.» Il est 9h30, et Ignazio Cassis vient d'accepter son élection au Conseil fédéral. Grave, solennel, le Tessinois lève les trois doigts de la main droite et prête serment. Ce ne sera pas «Ich schwöre es», ou «Je le jure», mais «Lo giuro».
La langue italienne a fait son retour au sein du collège gouvernemental. Dans les tribunes du public, le Conseil d'Etat tessinois, debout, applaudit à tout rompre. «C'est un jour important pour le Tessin», s'exclame le président du gouvernement, Manuele Bertoli. Les rivalités cantonales, si vives au sud des Alpes, semblent balayées dans la joie du moment. Dans les travées du Conseil national, la socialiste grisonne Silva Semadeni peine à retenir ses larmes. «Je ne pensais pas que j'aurais toutes ses émotions dans le cœur», confie la présidente du groupe Italianità.
«Mon élection marque le retour de cette Suisse qui pense, parle, écrit et rêve en italien. C'est un signe fort pour le renforcement de la cohésion nationale»
Quelques instants plus tôt, Ignazio Cassis a délivré un message fort à l'Assemblée fédérale, en évoquant le retour de «cette Suisse qui pense, parle, écrit et rêve en italien». Une élection qu'il voit comme un signe clair pour le renforcement de la cohésion nationale. «La Suisse est confrontée à de grands défis sur le plan de la liberté, de la sécurité et de la prospérité. Et les régions frontalières sentent ces pressions de manière plus forte que le reste de la Suisse. Avec votre choix, vous avez reconnu cette réalité.» Le Tessinois promet d'être «le forgeron de l'unité du pays et de tout faire pour ne pas vous décevoir». Ignazio Cassis se pose aussi en rassembleur, en remerciant également ceux qui n'ont pas voté pour lui. Et de citer Rosa Luxembourg dans son éloge de la liberté et du respect. Deux mots qu'il place comme la colonne vertébrale de sa future action gouvernementale.
Promise dès la démission de Didier Burkhalter, «l'heure du Tessin» a bel et bien sonné. Dix-huit ans après le retrait de Flavio Cotti, Ignazio Cassis est devenu le 8e conseiller fédéral tessinois. Le chef du groupe PLR était le grand favori de l'élection, et aucun accroc de dernière minute n'est venu perturber sa marche vers le pouvoir. Ni ses liens étroits avec les caisses-maladie. Ni le renoncement au passeport italien. Pas plus que son credo en faveur de la légalisation de la cocaïne. Jusqu'au bout, il aura été «le bon candidat au bon moment», selon la formule de Fulvio Pelli, l'ancien président du PLR suisse qui aura œuvré à l'irrésistible ascension de son collègue de parti.
Cinquante minutes chrono
L'affaire est réglée en 50 minutes montre en main. 109 voix au premier tour, et 125 au second, deux tours mettent fin au suspense tout relatif de la matinée. Les deux candidats romands n'ont pas pesé lourd. Avec 55 voix au premier tour, Isabelle Moret sauve l'honneur des femmes PLR et échappe à l'humiliation. Quant à Pierre Maudet, dont la campagne acharnée a marqué les esprits, il ne fait que 7 voix de plus que la Vaudoise. Sa progression au deuxième tour est toutefois insuffisante pour prolonger la bataille d'un troisième round «qui aurait peut-être pu tout changer», analyse Sébastien Leprat, l'un de ses stratèges.
L'amertume pèse sur le camp genevois. Elle ne ternit guère l'ambiance de fête qui s'empare du Palais fédéral. On se rue sur le buffet, en se tapant sur l'épaule. «A l'UDC, la question du Tessin a fait l'unanimité. C'est ça qui a fait la différence», analyse la vice-présidente du parti, la Genevoise Céline Amaudruz. Avis partagé par la conseillère aux Etats Karin Keller-Sutter, pour qui Cassis a pu profiter d'une configuration politique idéale. «Pour les Alémaniques, il était assez difficile à accepter d'avoir trois Romands, et plus encore deux Vaudois. Ce n'était pas la bonne configuration pour Isabelle Moret. Chaque élection a ses critères et son histoire. Ici, la question femme n'était pas la question principale.»
«Dans ce parlement à majorité masculine, on préfère élire ce qu'on connaît, c'est-à-dire un homme entre 50 et 60 ans!»
Plusieurs élues, en revanche, ne cachent pas leur gêne face au faible score enregistré par Isabelle Moret. La socialiste vaudoise Ada Marra reproche à la section tessinoise de ne pas avoir présenté de femme. «C'est ce qu'auraient souhaité les femmes socialistes.» «Dans ce parlement à majorité masculine, on préfère élire ce qu'on connaît, c'est-à-dire un homme entre 50 et 60 ans! Si on veut faire élire une femme, il n'y a pas d'autre choix que de présenter deux candidatures féminines», renchérit la sénatrice socialiste vaudoise Géraldine Savary.
Ignazio Cassis, lui, est tout à sa joie. Au son d'une fanfare venue tout exprès du sud des Alpes, le nouveau conseiller fédéral descend triomphalement le grand escalier et pose, bras largement déployés, devant les Trois Suisses qui président aux festivités. Sur la place Fédérale, une délégation tessinoise fait flotter les couleurs du Canton en l'honneur du nouvel élu. Des ballons rouge et bleu s'envolent sous le regard sombre des soldats de la Compagnie 1602 sagement alignés. Bientôt la foule se disperse. A midi, les cloches sonneront au Tessin. Sous la Coupole, les travaux parlementaires ont déjà repris.
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