Opéra dans une cour médiévaleJehanne d’Arc, héroïne moderne?
Un opéra inspiré par la pucelle d’Orléans, tel est le projet un peu fou de Jimena Marazzi, compositrice. À découvrir dès ce dimanche dans la cour du château de Grandson.

Chanter en moyen français un livret imaginé autour de la figure de Jeanne d’Arc, il fallait oser dans une époque où la complexité et le prosélytisme religieux n’ont pas vraiment la cote! À l’origine du projet «Jehanne», la compositrice Jimena Marazzi et le librettiste Luis Guevara ont participé à un concours musical en 2012 pour les 600 ans de Jeanne d’Arc. Interprétée en 2014 par une troupe de musiciens semi-professionnels, l’œuvre a été très bien reçue. Près de dix ans plus tard, Jimena Marazzi revient vers le public avec son projet considérablement modifié et transformé en «Opéra de château».
«Je me suis d’abord attachée à mettre en exergue sa détermination et une foi qui va au-delà du religieux», explique Jimena Marazzi, qui s’est plongée dans l’histoire de la pucelle combative avec l’aide d’étudiants de la professeure de français médiéval Estelle Doudet, de l’Université de Lausanne. Pour la compositrice, nul doute, Jehanne est une héroïne moderne: «Elle n’est pas la folle que l’on a pu imaginer. Au contraire, elle est très lucide et d’une vive intelligence, comme on peut le voir dans ses propos relevés lors de son procès. Elle ne s’apitoie jamais sur son sort et fait face avec courage. »
Son et lumière
Porté par son association Lumen Canor (Je chante la lumière), «Jehanne», spectacle son et lumière, compte quinze voix lyriques et huit instruments, dont deux accordéons. Articulée en une série de tableaux musicaux en deux actes pour chœur mixte et orchestre, l’œuvre suit le fil rouge de l’auteure et narratrice Manon Lelièvre, qui, outre Jehanne, va convoquer d’autres symboles du courage féminin à travers le regard d’une jeune fille d’aujourd’hui née le même jour que Jehanne. «À 17 ans, elle entend des voix. À 18 ans, elle libère la ville d’Orléans. À 19 ans, elle est brûlée vive. Mais il fallait que je comprenne mieux, que je voie plus. Je voulais la connaître, cette jumelle de vie et de mort, je voulais l’entendre à travers le temps.»
Le rôle-titre musical est interprété par la soprano franco-suisse Florence Renaut, dont la voix fraîche a séduit la compositrice. «J’ai beaucoup réfléchi avant de dire oui, tant la profondeur du personnage est complexe entre la réalité et le mythe, et la partition exigeante», avoue la cantatrice. «En revanche, elle me touche beaucoup.»
À la tête de l’orchestre et du chœur, François Voeffray se réjouit de diriger une œuvre à la musicalité chatoyante qui résonne avec l’actualité des luttes féministes. Quant à la metteuse en scène Mélanie Carrel, elle a pris le parti de voir la scène avec le regard de Jehanne. «Ainsi, les visages et ce qui l’entoure peuvent se métamorphoser selon sa perception. J’ai cependant choisi de ne pas toucher à la cour du château de Grandson et d’utiliser le décor naturel – un arbre, un puits, une fontaine – pour y intégrer les déplacements du chœur.»
Grandson, cour du château, les 5, 10, 11, 12, 18 et 19 septembre. Ve et sa, 20 h et di, 19 h.
Billetterie www.lumencanor.ch et tél. 024 445 29 26
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