Jouer d'un instrument, un pas précieux pour les enfants
Une étude approfondie menée par la Haute École de santé de Genève montre les bienfaits de l'apprentissage musical sur le développement cérébral des élèves.

Longtemps, cela n'a été qu'une intuition ou, au mieux, une hypothèse fragile formulée par des pédagogues éclairés. L'apprentissage et la pratique d'un instrument musical, affirmait-on en tâtonnant, offre des avantages importants dans le développement des enfants qui se confrontent tôt à cette expérience. Oui, mais comment corroborer ce constat qui tombe aujourd'hui sous le sens? Les avancées spectaculaires dans le domaine des neurosciences nous aident désormais à y voir plus clair et à toucher de près le bien-fondé de ces affirmations. Un exemple significatif? On le trouvera dans l'étude approfondie qu'a menée pendant deux ans la Haute École de santé (HES) de Genève, en collaboration avec l'Université de Genève, auprès d'un panel élargi d'élèves âgés entre 10 et 12 ans, fréquentant deux établissements publics de Thônex.
Dans les quartiers populaires
Le rapport scientifique qui découle de cette longue plongée en territoire scolaire apporte une pierre de taille à l'édifice. Pour en prendre la mesure, il faut se tourner vers Clara James, qui a été violoniste professionnelle dans sa ville natale notamment, au sein de l'Orchestre de chambre Amsterdam Sinfonietta, et qui s'est convertie tardivement aux études scientifiques. Aujourd'hui professeure en neurosciences à la HES et investigatrice principale de l'étude qui nous occupe, la Néerlandaise nous reçoit dans son bureau, au milieu de classeurs et de documents de toute sorte. Verbe à l'énergie contagieuse, ton sérieux et enjoué à la fois, la chercheuse résume en quelques mots les enseignements de sa démarche: «La pratique musicale est un vrai moteur de développement pour les enfants et ses bienfaits vont bien au-delà de la musicalité. Les résultats indiquent que les jeunes musiciens sont avantagés en ce qui concerne la mémoire de travail, l'attention, le raisonnement abstrait ou le traitement des données visuelles et spatiales.»
Pour parvenir à ce constat, la chercheuse et son équipe se sont concentrés sur un périmètre particulier. Celui qu'établit depuis 2012 le programme «Orchestre en classe», lancé par le Département de l'instruction publique (DIP) et destiné à des établissements scolaires implantés dans des quartiers populaires qu'on considère comme peu favorisés. «On reproche parfois à ce genre d'études sur les avantages de la pratique musciale de bénéficier uniquement aux enfants issus de milieux privilégiés», note Clara James. Le programme «Orchestre en classe» et par conséquent notre démarche évitent cet écueil.
Diligentée par l'Accademia d'Archi, institution implantée depuis 1998 à Chêne-Bougeries, la recherche de la HES s'est appuyée sur un dispositif scientifique quasi inébranlable. Deux groupes d'environ 35 élèves ont été pris en considération. Le premier, au bénéfice du programme «Orchestre en classe» était composé d'enfants de 7e et 8e Harmos ayant suivi pendant deux ans deux cours de quarante-cinq minutes par semaine sur les instruments dits à cordes frottées – violon, alto, violoncelle, contrebasse. L'autre groupe, dit témoin, du même âge et du même niveau scolaire a poursuivi le cursus normal prévu par le Plan d'études romand (PER). À savoir, deux cours par semaine d'initiation à la musique et d'activités chorales.
Une large batterie de tests a été ensuite soumise régulièrement aux deux groupes. On y a sondé par exemple les aptitudes musicales, les capacités de la mémoire – verbale, à court terme ou de travail –, les tâches de vitesse de traitement d'informations visuelles ou encore les facultés de dextérité manuelle et de coordination entre les deux membres sollicités. «Les avantages du premier groupe par rapport au groupe témoin n'étaient que peu prononcés après une année, remarque Clara James. Mais ils sont devenus statistiquement très significatifs après deux ans.» Le développement accru de ces aspects importants de la cognition est accompagné par un plaisir manifeste et par une interaction sociale évidente au sein des élèves. Aucun cours n'a été individuel, l'apprentissage de l'instrument s'est aussi fait par imitation et transmission des savoirs entre les élèves.
La musique plus tôt
Ces constats font dire à la directrice de la recherche que le programme «Orchestre en classe» mériterait d'être au bénéfice du plus grand nombre. Et, surtout, qu'il devrait intervenir encore plus tôt dans le cursus scolaire. «Si les enfants avaient débuté plus tôt et travaillé sur une période plus longue, les effets positifs de l'apprentissage musical auraient pu être bien plus prononcés, ajoute Clara James. On sait en effet que la plasticité neuronale atteint son pic à l'âge de 7 ans.»
En attendant, le directeur de l'Accademia d'Archi, Raffaello Diambrini Palazzi, fait un pas plus loin en souhaitant qu'un jour des tests d'imagerie cérébrale puisse apporter d'autres éléments spectaculaires. Mais un fait demeure désormais à ses yeux: «Avec cette étude, nous avons quitté les hypothèses et nous nous tournons vers des certitudes.»
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À la conquête du violon
Le violon, c'est toute sa vie. Depuis l'âge de 5 ans, Girolamo Bottiglieri s'emploie à domestiquer cet instrument redoutable. Aujourd'hui violon solo au sein de l'Orchestre de chambre de Genève, mais aussi fondateur et premier violon du Quatuor Terpsycordes, le musicien se rappelle des difficultés rencontrées durant son apprentissage. «Ma mère m'a souvent raconté que, tout petit, ma grande question était de savoir comment je pouvais me concentrer à la fois sur la position du petit doigt de la main gauche, sur le mouvement rectiligne de l'archet, sur la partition et sur la qualité du son que je devais produire.» Cela dit tout de la difficile conquête de l'instrument. «Avec les deux membres, on est à la fois dans une sorte de communion et de dissociation permanente. Il faut opérer à tout moment une synthèse, garder ouvert les vases communicants, mais aussi filtrer la relation entre les deux bras et mains.» Identifie-t-il des retombées positives dans sa vie extramusicale, qui seraient dues à la pratique du violon? Girolamo Bottiglieri réfléchit longtemps: «Je bénis cet apprentissage chaque jour que je passe avec mes trois filles, qui ont des âges très divers et qui sollicitent ma présence pour discuter, pour jouer et pour cuisiner tous ensemble et en même temps.»
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