De l’écriture au dessinKafka en croquis
La publication de ses dessins éclaire une facette marginale de l’écrivain.

Les circonvolutions, tractations et procédures qui ont précédé la parution de «Kafka, les dessins», première somme graphique consacrée à l’auteur austro-hongrois, ont retardé pendant plus d’un demi-siècle la possibilité d’évaluer globalement cette activité marginale de Franz Kafka (1883-1924) dont l’œuvre littéraire a elle-même été éditée pour l’essentiel à titre posthume.
Andreas Kilcher, à la direction de cet ouvrage qui vient de sortir à l’enseigne des Cahiers Dessinés – maison décidément très active cette année – détaille les raisons de cet atermoiement, principalement lié aux scrupules et aux donations problématiques de Max Brod, ami et exécuteur testamentaire de l’écrivain.
La recherche s’en trouvait légèrement entravée et la libération de ces archives permet de réévaluer – Kilcher ne s’en prive pas – un Kafka souvent qualifié d’«anti-artiste» peu sensible aux recherches visuelles.
Outre les réflexions sur le rapport entre écriture et dessin qu’ouvre cette publication, restent les dessins eux-mêmes, une centaine, qui ne sont souvent que de petits croquis dans les marges de ses textes, sans oublier les quelques pages exclusivement dévolues à ses griffonnages.
N’en déplaise aux fétichistes de l’écrivain, ces réalisations, déliées de leur intérêt contextuel, n’ont le plus souvent qu’une valeur très limitée, à l’exception de quelques dessins qui dénotent un sens très vif de la silhouette et du trait, évoquant ici un Soutter, là un Kirchner.
Kafka conseillait à Brod de les brûler. Heureusement, son ami ne lui a pas obéi et les déchiffreurs de l’auteur énigmatique lui sauront gré de ce matériau propice à de nouvelles interprétations comparatives (Judith Butler signe un texte où la philosophe donne libre cours à une exégèse très émancipée). Mais cette collection hiéroglyphique ne fera pas frémir les amateurs d’art qui laisseront leur place aux collectionneurs d’autographes.
«Kafka, les dessins», sous la direction d’Andreas Kilchner, Éd. Les Cahiers Dessinés, 336 p.
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