La bataille de l’orthographe s’intensifie. Les promoteurs minimisent l’ampleur de leur réforme. Seulement 0,5% des mots français seront touchés, disent-ils, pas de quoi fouetter un chat! Ah bon? Alors on se demande, si la réforme est si cosmétique, pourquoi mettre tout le monde en ébullition pour ne rien changer. La raison est que cela touche tout de même 2600 mots!
Personne n’affirme que l’orthographe traditionnelle soit exempte de bizarreries. L’Académie française l’admet aussi; mais si elle entend se soumettre à l’évolution de l’usage, elle met en garde (5 février 2016) «contre toute imposition impérative» des modifications orthographiques. La langue appartient à ceux qui l’utilisent, y compris la langue écrite; et il n’y a aucune raison d’inciter nos jeunes à répondre à des offres d’emploi dans une orthographe qui sera objet de moqueries, voire de rejet.
«Face à une difficulté, faut-il supprimer cet obstacle ou donner aux élèves les moyens de le surmonter?»
Oui, notre orthographe est difficile. Les élèves sont confrontés à cette difficulté qui nécessite plusieurs années avant la maîtrise. La question qui se pose est la suivante: face à une difficulté, faut-il supprimer cet obstacle ou donner aux élèves les moyens de le surmonter? Qu’est-ce qui est le plus formateur, occulter ou affronter?
Nous vivons depuis trente ans une période néfaste pour l’école: le niveau a baissé, la volonté des élèves s’étiole, et 20% d’entre eux sont illettrés au sortir de l’école obligatoire. Cet illettrisme ne signifie pas qu’ils ne savent pas lire mais qu’ils ont de grosses difficultés à comprendre ce qu’ils lisent. Et les écrans n’aident pas à réduire ce terrible embarras.
Nous sommes passés de la formation à l’information; et le travail est dévalorisé parce qu’il demande un effort, une assiduité, le pli de la répétition. Aux «exercices» scolaires, on préfère les «activités». Or tout n’est pas jeu ni divertissement, et de ce point de vue l’apprentissage de l’orthographe est un des moyens d’entrer dans des règles contraignantes, qui finissent par assurer la liberté, l’habitude de se confronter à la difficulté, et la satisfaction de la vaincre.
Deux manières d’écrire?
Pour des raisons idéologiques, l’école a reculé sur quantité d’exigences formatrices, sous les applaudissements des déconstructivistes. Ainsi, on nous assure que l’orthographe traditionnelle restera, qu’il y aura seulement deux orthographes en parallèle: celle, rectifiée, et celle des œuvres littéraires, historiques, des coupures de presse. Est-ce de nature à rendre les choses plus claires pour nos élèves? Non.
Si nous acceptons que l’État nous dicte comment écrire, demain ce même État pourra modifier les portées de musique trop compliquées, réécrire l’histoire et réviser les pensées philosophiques au motif que les plus bornés ne les comprendront pas. La langue appartient à tous et pas à la CIIP (Conférence latine des directeurs de l’instruction publique)!
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L’invité – L’orthographe rectifiée? Non merci!
Jean Romain s’oppose au projet de simplification de la manière d’écrire certains mots en français.