Il y a quelques jours, M. Pierre-Yves Maillard annonçait que ses amis et lui-même mettaient un terme à la récolte de signatures de l’initiative populaire demandant qu’une partie des bénéfices de la Banque nationale suisse (BNS) soit versée à l’AVS. Citée dans «24 heures» du 3 février, l’explication de cette volte-face vaut son pesant de cacahuètes: «Quand nous avons lancé l’initiative, la BNS avait des réserves de 105 milliards à distribuer. Aujourd’hui, elle fait plus de 132 milliards de pertes.»
L’explication est piquante et surtout circonstancielle. Or c’est pour des motifs plus fondamentaux qu’il faut se réjouir de l’abandon de ce projet. La mission de la BNS, définie dans la loi, est la suivante: dans l’intérêt du pays, assurer la stabilité des prix en tenant compte de la conjoncture. La tâche de la banque est d’éviter les dérapages inflationnistes, en aucune façon de réaliser des bénéfices qu’il s’agirait ensuite de redistribuer.
«L’indépendance de la BNS est l’un des piliers les plus solides de la politique économique de la Suisse.»
Un président de la Réserve fédérale américaine du siècle passé définissait ainsi le rôle du banquier central, lequel «consiste à enlever le bol de punch juste au moment où la fête commence à s’animer». Pour dire les choses autrement, sa fonction est de relever de façon préventive les taux d’intérêt pour empêcher l’apparition de bulles spéculatives et de tensions inflationnistes. En augmentant le coût du crédit ou en réduisant la masse monétaire en circulation, on vise à empêcher que les ménages, les investisseurs et les pouvoirs publics ne soient un peu pompettes et perdent le sens de la mesure et du risque.
Dans ce mandat, la BNS n’est pas infaillible et ne manque d’ailleurs pas d’être critiquée. Mais elle est la seule institution qui soit à même de le remplir, et de contenir l’inflation dont on rappelle qu’en plus d’autres défauts, elle détruit le pouvoir d’achat des ménages.
Qu’il soit en quête d’un triomphe militaire ou d’une réélection, le pouvoir politique a toujours cherché à mettre les banques centrales à sa botte. Sa façon de faire la plus triviale est la création de monnaie destinée à financer son action. Elle s’est raffinée avec le rachat de la dette publique par certains instituts et peut même prendre un tour plus subtil encore lorsqu’une banque centrale est poussée à ne pas relever ses taux afin de soutenir les finances de l’État.
Toujours une bonne raison
Chez nous, on brandit toujours plus souvent de justes causes qu’il s’agirait de financer (l’AVS, les dégâts du Covid, les infrastructures, la protection du climat). L’histoire enseigne qu’il y a toujours une bonne raison de faire fonctionner ce qui ne constitue en définitive rien d’autre que la planche à billets.
L’indépendance des banques centrales est plus indispensable que jamais. La politique monétaire est une affaire trop sensible pour être laissée entre les mains des politiciens.
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L’invité – La BNS, le bol de punch et les appétits politiques
Christophe Reymond revient sur le rôle de la banque nationale, qui est d’éviter les dérapages inflationnistes.