La Chine intrigue à Genève pour briser ses opposants
Depuis quatre ans, Pékin accentue la pression pour étouffer toute contestation jusque dans les couloirs du Palais des Nations.

En janvier, lors de son déplacement à Genève, le président chinois Xi Jinping a affirmé que son pays était déterminé à jouer la carte du multilatéralisme et donc prêt à investir dans le développement des organes onusiens. Un engagement salué par les autorités suisses, l'ONU et la communauté internationale. Seule fausse note à l'époque, le verrouillage sans précédent du Palais des Nations, vidé de ses employés et de ses journalistes accrédités, à la demande de Pékin. Certains y ont vu le syndrome d'un pouvoir habitué à tout contrôler et ne supportant pas la moindre contestation.
A Genève, la montée en puissance de la Chine sur la scène multilatérale suscite beaucoup d'inquiétudes parmi les défenseurs des droits de l'homme. Cet été, plus précisément le 30 juillet, une image a marqué les esprits, celle de Xi Jinping habillé en militaire et passant en revue ses troupes à l'occasion du 90e anniversaire de la fondation de l'Armée de libération du peuple. L'uniforme d'un côté, le costume de VIP de l'autre, mais toujours le même rejet de la tricivara tibétaine.
Morte en prison
La Chine de Xi Jinping est prête à jouer le jeu avec ses partenaires mais à condition que personne ne conteste sa puissance et encore moins sa souveraineté. Les défenseurs des droits de l'homme en ont fait l'amère expérience. Ils craignent que Pékin profite de sa position dominante pour miner les mécanismes de contrôle mis en place par l'ONU. L'organe le plus exposé est le Conseil des droits de l'homme basé à Genève et au sein duquel la Chine occupe un siège.
L'ONG Human Rights Watch (HRW) vient de publier un rapport très documenté sur ce que les diplomates chinois sont prêts à faire pour étouffer la contestation aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de leur pays, avec un seul objectif: éviter que Genève se transforme en caisse de résonance. L'exemple le plus marquant est celui de Cao Shunli, une militante des droits de l'homme arrêtée à l'aéroport de Pékin le 14 septembre 2013 alors qu'elle se rendait à Genève pour participer à une session du Conseil des droits de l'homme. Une audace qui, dans la Chine de Xi Jinping, lui a été fatale. Elle est décédée un an plus tard en détention.
Genève et son prisme droit-de-l'hommiste font peur à Pékin, qui n'hésite pas à pourchasser ses opposants jusque dans les couloirs du Palais des Nations. Human Rights Watch rapporte plusieurs cas «d'intimidation et de harcèlement de militants dans les locaux de l'ONU». En mars 2014, Ti-Anna Wang, la fille de Wang Bingzhang, un militant des droits de l'homme détenu en Chine, a été traquée par un homme qui l'a photographiée de manière agressive. Même traitement d'intimidation avec les activistes ouïghours. Le 26 avril 2017, Dolkun Isa-un, un activiste bien connu qui fait campagne en Allemagne au nom des Ouïghours, a subi des pressions alors qu'il assistait à un forum sur les questions autochtones.
Lorsqu'il s'agit des Tibétains, Pékin montre ses muscles et sort les crocs. En mars 2016, la conférence-débat à laquelle avait été invité à participer le dalaï-lama a donné lieu à une levée de boucliers inédite. Les organisateurs ont dû renoncer à organiser cet événement dans l'une des salles de conférences du Palais des Nations, l'ONU redoutant des représailles financières. La Chine est devenue le troisième contributeur de l'ONU pour son budget régulier au cours de l'exercice 2016-2017. Le chef des bouddhistes a été finalement accueilli à la Maison de la Paix, quelques centaines de mètres plus loin mais hors du périmètre onusien.
Le renforcement de l'emprise chinoise sur les organes onusiens n'impacte pas seulement les droits de l'homme. En mai dernier, les représentants de Taïwan se sont vus refuser, contrairement aux années précédentes, l'accès aux travaux de l'assemblée générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Une décision de Pékin appliquée avec zèle par la directrice générale Margaret Chan avant qu'elle ne passe le flambeau à Tedros Adhanom Ghebreyesus. Les Taïwanais ne sont guère optimistes pour l'avenir. Ils constatent que pour son premier grand déplacement officiel, le nouveau patron de l'OMS s'est rendu à Pékin.
«Tout se joue ici»
Hors micro, les diplomates occidentaux confessent être pieds et poings liés. Ce qui fait désormais figure d'urgence, c'est le sauvetage du Conseil des droits de l'homme dont la Chine détient un trousseau de clefs. Son rapprochement avec les autres membres du Like Minded Group (1) a considérablement accru son influence et permis à nombre d'initiatives renforçant la protection des droits de l'homme d'échouer. Pour Kenneth Roth, directeur de HRW, Pékin a fait de Genève la plateforme diplomatique d'où «elle déploie ses efforts pour empêcher les critiques sur la question des droits de l'homme». «Ce n'est pas au Conseil de sécurité, ni à l'Assemblée générale que cela se joue. Mais bien ici», insiste-t-il.
Lors d'un briefing de presse, le porte-parole du Ministère chinois des affaires étrangères, Geng Shuang, a répondu lundi que son pays attachait «une grande importance aux droits de l'homme» et qu'il s'était «engagé à les promouvoir et les protéger».
(1) Groupe de pays de «même sensibilité»: Algérie, Bangladesh, Bélarus, Bhoutan, Cuba, Egypte, Inde, Indonésie, Iran, Malaisie, Myanmar, Népal, Pakistan, Philippines, Russie, Sri Lanka, Soudan, Syrie, Venezuela, Vietnam, Zimbabwe.
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