Je l’avoue d’emblée: je garde un mauvais souvenir des dictées à l’école, ces feuilles qui revenaient couvertes de rouge et me faisaient honte d’avoir mal révisé vocabulaire, grammaire ou conjugaisons, alors que les meilleures de la classe – toujours des filles, bien sûr! – récoltaient les éloges.
Un demi-siècle plus tard, j’ignore si mon orthographe a progressé mais, désormais, c’est moi le pion, et quand je trouve une faute d’accord dans le SMS d’un de mes enfants, je ne peux m’empêcher de tempêter. Ainsi va la vie et ses cheminements ironiques qui vous conduisent à défendre ce que vous abhorriez…
«Faut-il en déduire que la pratique accrue de la dictée ne sert à rien, puisque depuis sept ans l’orthographe continue à se délabrer?»
Ah! l’orthographe… En France, c’est un débat récurrent qui occupe une place de choix dans la querelle des anciens et des modernes. Au fil des élections présidentielles, les ministres de l’Éducation se suivent mais font tous le même constat, comme une antienne obsédante: l’orthographe fout le camp. Ils en ont la preuve, chiffrée par une étude: pour le même texte, les élèves faisaient en moyenne 10,7 fautes en 1987, ils en font aujourd’hui 19,4.
Forcément, le moyen de réagir tombe sous le sens. «Davantage de dictées!» proclame en 2015 Najat Vallaud-Belkacem, ministre socialiste de François Hollande; Jean-Michel Blanquer, ministre de Macron Ier, fait de même en 2018; et cette semaine, Pap Ndiaye, ministre de Macron II, s’y met à son tour.
À chaque fois, le chœur des syndicalistes et des «pédagogistes» se fâche tout rouge, dénonçant «un cadeau fait aux réacs» (2015), une manière indigne de «flatter l’idée du «c’était mieux avant» (2018), un «totem» inutile qui ne viserait qu’à «rassurer l’opinion» (2023). Selon eux, la dictée est de droite, presque facho.
Ce débat bien huilé me laisse perplexe. Faut-il en déduire que la pratique accrue de la dictée ne sert à rien, puisque depuis sept ans l’orthographe continue à se délabrer? Ou faut-il croire au contraire que la parole des ministres est impuissante à faire bouger le mammouth et que malgré leurs exhortations les chères têtes blondes ou noires continuent d’être insuffisamment frottées à l’âpre discipline de la dictée?
Le retour de l’uniforme
Le hasard veut que, cette même semaine, un autre débat est ressorti du placard à naphtaline: Brigitte Macron se déclare favorable au port de l’uniforme à l’école. Waouh! Là encore, montée de température générale, débat, tribunes libres, arguments pour, contre. Et puis l’idée retournera là d’où elle vient. Non pas que l’uniforme scolaire soit une mauvaise chose, mais ce n’est pas dans la culture française et cela ne changerait rien aux problèmes d’inégalités ou de racket.
C’est drôle, quand Jean-Michel Blanquer avait décidé le doublement des classes dans les zones les plus défavorisées, en 2017, il n’y avait pas eu de débats passionnés. Tout le monde sentait confusément le courage de la mesure et, cinq ans après, on en mesure les effets bénéfiques. Au fond, quand on lui donne des moyens, l’école d’aujourd’hui n’est pas si nulle.
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La rédaction – La dictée et l’uniforme ressortent de l’armoire à naphtaline
Le ministre français de l’Éducation, Pap Ndiaye, veut davantage de dictées, Brigitte Macron plus d’uniformes scolaires: l’école est le lieu favori de la querelle entre anciens et modernes.