RapportLa France va en savoir plus sur la pédocriminalité dans l’Église catholique
La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église rend, après deux ans et demi de travaux, un rapport très attendu sur la pédocriminalité dans l’Église catholique.

La révélation attendue mardi du nombre de victimes de pédocriminels dans l’Église catholique en France promet un véritable séisme pour le pays, où une commission d’enquête a déjà chiffré les prédateurs impliqués à environ 3000 en 70 ans.
Après deux ans et demi de travaux, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) depuis 1950, présidée par le haut fonctionnaire Jean-Marc Sauvé, 72 ans, va dévoiler son rapport: une somme de 2500 pages.
Il sera remis à la Conférence des évêques de France (CEF) et à la Conférence des religieuses et religieux des instituts et congrégations (Corref), qui l’avaient commandé, lors d’une conférence de presse à laquelle ont été invités des représentants d’associations de victimes.
«Une déflagration»
«Cela va être une déflagration», assure à l’AFP un membre de la Ciase, sous couvert d’anonymat. «Cela va faire l’effet d’une bombe», renchérit Olivier Savignac, du collectif Parler et Revivre. «Il ne va pas être complaisant», assure le sociologue Philippe Portier, un autre membre de la Commission.
Pour la première victime auditionnée par la Commission, Eric Boone, 49 ans, «ça va être comme un monument, un acte de mémoire. On ne pourra plus dire que ce n’était pas vrai». «Il n’y a pas un jour où je n’y pense pas», affirme Eric Boone, agressé sexuellement, quand il avait 12 à 15 ans, par un frère dominicain.
«Ça détruit profondément». «Ce n’est pas écrit sur ma figure mais c’est une torture presque journalière», témoigne également Marie-Claire Silvestre, 63 ans, agressée par un prêtre qui n’était autre que son oncle, décédé aujourd’hui. Un de ses frères et une de ses sœurs ont également été agressés. Le premier s’est suicidé en 2004. La seconde est décédée des suites d’alcoolisme.
«Des chiffres considérables, effrayants»
La Ciase a fait de la parole des victimes «la matrice de son travail», selon Jean-Marc Sauvé, avec un appel à témoignages (6500 contacts de victimes ou proches en 17 mois), 250 auditions et une plongée dans de nombreuses archives. Mgr Eric de Moulins-Beaufort, le président de la CEF, a dit craindre que le rapport «ne rende des chiffres considérables, effrayants», lors d’une réunion avec des paroissiens de son diocèse.
Jean-Marc Sauvé a indiqué dimanche à l’AFP que le nombre de prédateurs recensé était de «2900 à 3200», des hommes – prêtres ou religieux -, une «estimation minimale». La Ciase évaluera aussi le nombre de victimes et comparera la prévalence des violences sexuelles dans l’Église à celle identifiée dans d’autres institutions (associations sportives, école…) et dans le cercle familial. La commission évaluera également les «mécanismes» qui ont pu favoriser la pédocriminalité.
En novembre, Jean-Marc Sauvé avait évoqué une gestion «défaillante» de ces affaires par le passé. Il avait jugé «extrêmement grave qu’il ait pu y avoir quelques institutions et quelques communautés, en petit nombre, où des abus systémiques aient pu être commis».
45 propositions
Le diagnostic fait, la Commission doit énumérer 45 propositions: écoute des victimes, prévention, formation des prêtres et religieux, droit canonique, transformation de la gouvernance de l’Église… Elle préconisera aussi une politique de reconnaissance et de réparation.
Les faits sont presque toujours prescrits, les auteurs décédés, rendant un recours à la justice improbable. Les procédures canoniques (le droit de l’église) sont longues et peu transparentes. Quelles suites l’Église donnera-t-elle au rapport? «J’attends que nous soyons confrontés à ce fardeau, aussi noir soit-il, afin que nous puissions ensuite prendre les mesures qui s’imposent», affirme Véronique Margron, présidente de la Corref.
L’épiscopat a pris les devants en promettant des «contributions» financières, versées aux victimes à partir de 2022, qui ne font pas l’unanimité chez elles. Le rapport sera examiné à la loupe à Rome, où la question a été évoquée par le pape François et une partie des évêques français au Vatican en septembre.
Créée à l’automne 2018, la Ciase est composée de 22 membres, bénévoles, aux compétences pluridisciplinaires. Elle a été financée par l’épiscopat et les instituts et congrégations religieux à hauteur de 3 millions d’euros.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.