D’une phase pilote dans le canton de Vaud, l’éducation numérique passe cette année à un déploiement généralisé. Curieusement, le Grand Conseil n’a pas réellement débattu de cette orientation. Il y avait pourtant matière, pour un parlement qui, rappelons-le, a décrété «l’urgence climatique» il y a trois ans.
Personne ne remet en question l’idée de sensibiliser les écoliers aux travers de la numérisation de la société. C’est surtout l’éducation «par le numérique» qui fait sourciller. Jusque-là, la plus-value pédagogique des écrans n’a pas sauté aux yeux des chercheurs de l’OCDE qui se sont penchés sur le sujet. Dès lors, pas besoin d’être un disciple de Jacques Ellul pour être heurté de voir l’État, paré de son devoir d’exemplarité, dépenser des millions dans l’achat de 30’000 iPad, qu’il faudra remplacer tous les cinq ans. Et l’impact environnemental de leur fabrication, désastreusement écocidaire? Et la sobriété énergétique prônée à tous niveaux?
«Personne ne remet en question l’idée de sensibiliser les écoliers aux travers de la numérisation de la société. C’est l’éducation «par le numérique» qui fait sourciller.»
Le Département n’écarte pas totalement le sujet. On parle d’inciter les communes à mettre des panneaux solaires sur les toits des écoles. On va créer un poste dédié à la «durabilité» de l’éducation numérique, un CDD de cinq ans à 80%. On fait réparer les robots Thymio par l’école technique d’ici. Soit. Cela ne fera jamais d’EduNum une réforme neutre sur le plan écologique.
Quelques voix se sont fait entendre au parlement pour le souligner. Reste que PS et Verts ont largement approuvé ce grand plan, trop conscients peut-être qu’il a été lancé lors de la dernière législature, sous l’égide de la socialiste Cesla Amarelle. Tout au plus la gauche a-t-elle obtenu qu’un bilan pédagogique et environnemental soit présenté avant 2025.
C’est sur le terrain que la fronde se fait entendre. Trois syndicats unis ont lancé une pétition contre la réforme l’automne passé. Le «Réseau vaudois des enseignant·e·s pour l’environnement» invite désormais tous les profs à une résistance passive face à ces iPad.
Préparer les futurs adultes à la vie connectée qui les attend, c’est louable. Mais il serait judicieux de chercher une façon de le faire qui ne soit pas si déconnectée des réels enjeux planétaires. Le GIEC les a encore rappelés la semaine dernière en publiant son «guide de survie pour l’humanité». Mot d’ordre: stopper la fuite en avant.
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Éditorial – La fuite en avant de l’école numérique
Nul besoin d’être un technophobe décroissant pour déplorer l’irruption de 30’000 iPad dans les classes vaudoises.