Ces pathétiques palissades, autour de la gare de Lausanne, devraient donner leur nom au quartier entier. Ça aurait un côté Los Angeles, Pacific Palisades, classe huppée entre montagne et océan là-bas, chantier vague entre talus et lac par ici. Et puis, ça flatterait l’ego local, enclin à croire que Lausanne est une très grande ville, avec sa future très grande gare, vers 2034 ou sûrement plus tard, palais ferroviaire très incroyablement compliqué à moderniser et à faire tenir debout. C’est la statique, maintenant, qui coince, selon les inquiets ingénieurs: le bâtiment, si l’on creuse, va-t-il déruper?
Commode explication: c’est normal d’avoir des difficultés avec un ouvrage d’une telle formidable ampleur. Personne n’ose pourtant dire aux Vaudois que superficie et population lausannoises sont comparables à Clermont-Ferrand, par exemple, chef-lieu provincial français qui dispose d’une gare située au 40, avenue de l’Union-Soviétique.
Pourquoi est-ce que je vous parle de Clermont-Ferrand? Parce qu’une affaire comme la gare lausannoise est emblématique du destin des cités se rêvant encore grandes, et elle est ainsi éminemment politique. Clermont-Ferrand s’enorgueillissait, jusqu’au début des années 2000, de ses efficaces liaisons avec Paris, Gare de Lyon, plein centre. Et puis, fin 2011, ce fut terminé: les politiciens locaux n’avaient rien vu venir, les trains de Clermont sont devenus des rames lentes de seconde zone, arrivant désormais à Bercy, gare mal connectée à la capitale.
Le personnel politique valdo-lausannois est de la même faiblesse qu’à Clermont: il n’a rien compris, glapit maintenant pour faire croire que nom de bleu, on réagit, on va demander du pognon «compensatoire». Le serpent pourrissait cependant par la tête et il aurait fallu se méfier bien plus tôt du zuricho-centrisme pseudo-poétique de Moritz Leuenberger, de la condescendance charmeuse de Doris Leuthard, de l’insignifiance molle de Simonetta Sommaruga, ministres des Transports n’accordant que miettes et mépris à la Suisse romande.
Madame Sommaruga est désormais sommée de «taper sur la table». Ce n’est pas le genre, et la table pourrait se briser façon vilaine palissade si ce sont les mêmes ingénieurs qu’à la gare qui ont calculé sa résistance. Ce sera seulement l’habituel festival helvétique de dilution des responsabilités, Office des transports, bureau machin, j’ai même un ami qui est allé distribuer des tracts demandant la démission du patron des CFF. Il ne s’en ira pas, les autres non plus.
Quand une ville tombe en deuxième classe, le phénomène est diffus, hoquette, on le ressent à des signes, le fiasco politique de cette gare banlieusardisée, si loin de Zurich et de Berne, en est un. Comme Clermont-Ferrand, Lausanne prend tardivement conscience de son déclassement.
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1000 vies – La gare de Lausanne