La gare fantôme de Christin et Bilal
Le compositeur Louis Crelier crée «La citadelle de verre» à Neuchâtel avec le tandem légendaire de la BD.

Encore mieux qu'une version filmée d'une bande dessinée, «La citadelle de verre» de Louis Crelier, en création les 21 et 22 avril à Neuchâtel, se pose comme un objet lyrique difficilement identifiable, à mille lieues des circuits habituels de l'opéra, mais très intrigant pour tout amateur de phylactères: il réunit Pierre Christin au scénario et Enki Bilal à la scénographie et aux costumes.
Quelque part entre «La croisière des oubliés» et «Partie de chasse», les albums fondateurs de Christin et Bilal dans les années 70-80, l'intrigue de «La citadelle de verre» porte la signature immédiatement reconnaissable du scénariste de bande dessinée, encore plus célèbre pour sa série «Valérian». Mais c'est ici son versant cauchemardesque et apocalyptique qui s'exprime, irrémédiablement associé au crayonné glacial de Bilal. Dans une gare vétuste située dans un pays imaginaire, le chef de gare Anton Carcaval et son fils Mirko deviennent les héros de la résistance à un envahisseur inhumain. Ce huis clos étouffant où se croisent des personnages improbables et hauts en couleur n'est pas la BD qui manquait encore au tandem légendaire de la politique-fiction, mais bel et bien un opéra entièrement original dont Louis Crelier est le premier responsable.
Compositeur prolifique pour le cinéma et la télévision, le Neuchâtelois a aussi beaucoup écrit de musiques de scène pour le théâtre. Mais à part une comédie musicale, jamais d'opéra: «Après toutes ces années à écrire des musiques narratives, j'avais envie d'aborder ce genre qui réunit tous les arts et qui nous porte, pendant deux heures, autour d'un vrai spectacle.» La principale difficulté étant de trouver une histoire originale. «J'avais croisé Enki Bilal il y a une quinzaine d'années sur un festival de cinéma, raconte le compositeur. En tant qu'ancien fan du journal «Pilote» et de ses albums, je lui ai demandé si un livret d'opéra l'intéressait.» Bilal décline l'offre, mais le renvoie chez Pierre Christin, qui se prend très vite au jeu et livre un premier synopsis de «La citadelle de pierre». «Moi qui apprécie les ambiances dramatiques, ça m'allait très bien, reconnaît Louis Crelier. J'étais en terrain connu!»
Dématérialiser le décor
Accaparé par d'autres travaux, Louis Crelier mettra plusieurs années avant de s'atteler à la composition, et encore plus pour essayer de trouver une maison d'opéra intéressée à le monter. Jusqu'au moment où il décide de le produire lui-même. Mais comme il s'est entre-temps lié d'amitié avec Christin et Bilal, c'est très logiquement au dessinateur qu'il demande d'imaginer la scénographie et les costumes. «Pendant tout le travail d'écriture, ses images m'avaient accompagné. Et comme nous n'avions pas les moyens de construire physiquement le décor de la gare, nous avons décidé de le dématérialiser. Ce sont donc les dessins originaux de Bilal, en plusieurs couches et en mouvement, que nous projetons sur toute la largeur de la scène du Temple du Bas.» Avec l'aide du Lausannois Nicolas Wintsch, champion du multimédia.
En admirateur des bandes-son de Hans Zimmer, de John Williams, de Ryuichi Sakamoto mais aussi de Dimitri Chostakovitch, Louis Crelier compose une musique fondamentalement tonale et mélodique. «Je ne me rattache nullement à l'avant-garde, même si j'emploie par moments des procédés atonaux.» Pour le couple mondain qui descend par erreur d'un train, il a écrit une valse qui a déjà fait son petit effet sur les réseaux sociaux. À la fin de l'opéra, quand les envahisseurs apparaissent, signant la fin de toute différence, de tout espoir, la musique est comme progressivement aspirée dans un entonnoir jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'une seule note: «Un unisson totalitaire à 50 musiciens, ça a une sacrée force!»
Neuchâtel, Temple du Bas Sa 21 avril (19 h) et di 22 (17 h) Rens.: 032 717 79 07
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