Patrimoine culturelLa littérature suisse se refait une beauté en format réduit
La fameuse collection Poche Suisse de L’Âge d’homme revit à l’enseigne des éditions Florides helvètes, avec une première volée de douze titres parus.

«C’est une nouvelle maison d’édition qui naît.» Pascal Vandenberghe, patron de Payot et membre du comité de Florides helvètes, lançait le terme lors du récent vernissage à Lausanne d’une première salve de douze titres. Une nouvelle maison romande, l’événement est suffisamment rare pour être salué. Surtout lorsqu’il s’agit de raviver une collection pionnière devenue phare: lancée en 1978 par feu Vladimir Dimitrijevic, fondateur de L’Âge Homme, Poche Suisse a rassemblé plus de 300 titres emblématiques de la littérature suisse. Mais beaucoup de ces livres étaient épuisés.
Dans un souci de conservation et de valorisation de ces textes, l’association Florides helvètes annonçait il y a un an le rachat de la collection Poche Suisse à la maison d’édition installée à Lausanne. À la barre, un comité éditorial rassemble Marko Despot, Simon Roth et Daniel Maggetti en plus de Pascal Vandenberghe, tandis que la réalisation du programme éditorial est déléguée à Payot SA.
Emprunt à Charles-Albert Cingria
Les quatre premiers volumes sont sortis cet été avec, bien sûr, le texte qui a donné le nom aux éditions: ces délicieux «Florides helvètes», de Charles-Albert Cingria, rassemblant souvenirs, descriptions, remarques, anecdotes de Genève à Sierre, en passant par Renens, Villeneuve ou Payerne. Les parutions se sont poursuivies à un rythme soutenu, avec une majorité d’écrits romands, dont «La Confession du pasteur Burg», de Jacques Chessex, ou «Les Éléments d’un songe», de Philippe Jaccottet. Dans les écrits plus anciens figurent les «Poèmes choisis», d’Alice de Chambrier. Une Neuchâteloise à la courte vie, puisqu’elle est décédée en 1882 d’un coma diabétique, à seulement 21 ans, mais au talent reconnu bien au-delà de la Suisse.
Parmi les contemporains figure «Le chien Tristan», roman policier insolite au cœur de Rome, d’Étienne Barilier, qui confiait avec humour lors du vernissage: «Si je ne peux bouder le plaisir de voir réédité un ouvrage écrit voilà bientôt cinquante ans, la relecture que j’ai été contraint d’en faire me fut un peu douloureuse, et m’a fait vivre le double sens, à la fois typographique et moral, du mot «épreuve». Un verdict que vient contredire son préfacier Alain Corbellari, qui y trouve une «fraîcheur inentamée». François Debluë partageait, lui, sa joie de découvrir son «Entretien d’un sentimental avec son mur» «réanimé, dans un graphisme original et stimulant», avec une préface de Thierry Raboud qu’il accueille comme un «magnifique cadeau».
L’esprit est cependant de faire honneur aux textes de tout le pays, car la maison a «une vocation patrimoniale au sens large, sans être dépendante, comme d’autres collections de poche chez des éditeurs de Suisse romande, d’un catalogue spécifique d’où on «sort» les titres qui marchent le mieux pour les passer en poche». Tandis que le prix des livres (12 à 15 fr.) permet aux étudiants d’accéder à un corpus pensé aussi comme «une vitrine des littératures suisses hors des frontières nationales», observe Daniel Maggetti, directeur du Centre des littératures en Suisse romande, à l’UNIL.
Nouveaux textes
Si Pascal Vandenberghe revendique le terme de maison d’édition, c’est aussi parce que chaque texte est non seulement ressaisi en version numérique, ce qui n’existait pas jusqu’alors, mais relu, et soumis une nouvelle fois aux auteurs vivants ou aux traducteurs, et agrémentés de «solides préfaces critiques», comme le relève Daniel Maggetti.
Enfin, l’association publiera aussi des contemporains qui ne figuraient pas dans la collection originale, comme Noëlle Revaz, Alex Capus (en janvier) ou Matthias Zschokke. «On choisit des auteurs qui ont une œuvre derrière eux», relève Pascal Vandenberghe. Le tout, à un rythme qu’il annonce soutenu: «Avec 12 titres cette année, puis 20 titres par an, l’idée est d’arriver à la fin 2024 avec un socle de 50 livres.»
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