Carte blancheLa Municipalité de Lausanne est joueuse
À propos du Plan climat élaboré par l’Exécutif de la capitale vaudoise.
Le Plan climat présenté par la Municipalité de Lausanne le mois dernier a reçu une pluie de critiques. Pour leur part, le PLR et l’UDC n’ont pas manqué de dénoncer la volonté de l’Exécutif de supprimer les véhicules thermiques à l’horizon 2030. Si les deux partis ont concentré leurs attaques sur cette interdiction, c’est parce qu’elle présente à leurs yeux un défaut rédhibitoire.
Interdire tel ou tel type de véhicule sur un territoire donné est en effet une question qui ne pourrait être résolue que par la Confédération. Il faudrait que le droit suisse autorise préalablement cette mesure pour que la Ville de Lausanne puisse la mettre en œuvre.
Fort de ce constat, le chef du groupe PLR au Conseil communal de Lausanne, Mathieu Carrel, estime que la Municipalité «voue son plan à un échec certain, pour un gain électoraliste à court terme», comme il l’écrivait il y a une dizaine de jours. Pour lui, la volonté de bannir les véhicules thermiques est «clientéliste» et «publicitaire».
«Lausanne pèterait-elle donc plus haut que son cul, avec cette histoire de bagnoles?»
Bien sûr, présenter un Plan climat à moins de deux mois des élections, c’est en faire une cible potentielle des réquisitoires politiques. Ces derniers, eux non plus, ne sont pas exempts de toute trace d’électoralisme ou de clientélisme.
Entendu aussi, l’argument de l’arrogance est peut-être plus poignant. L’équipe municipale presque exclusivement rose-verte serait ainsi coupable d’outrecuidance à vouloir faire changer le cadre légal national. Lausanne, quatrième ville la plus peuplée de Suisse, pèterait-elle donc plus haut que son cul, avec cette histoire de bagnoles? Si vous le pensez, alors vous oubliez l’importance économique, sociale et culturelle des villes. Bref, leur importance politique. L’Exécutif lausannois, bien que sorti du même moule juridique que celui de Bremblens, est un tout petit peu plus légitimé à élaborer des solutions.
L’an 2030, c’est dans neuf ans. Neuf ans de dégradation du climat mondial. Neuf ans de politique fédérale. Les lignes pourraient avoir bougé, si bien que la Municipalité actuelle pourrait avoir raison. À moins que cela soit les indicateurs climatiques qui lui donnent tort. On ne sait jamais.
Mais, justement, plutôt que de tenter de faire du schproum à ce sujet, pourquoi un parti de droite ne ferait-il pas des propositions aussi juridiquement iconoclastes, mais conformes à son programme? L’UDC, par exemple, aurait pu inscrire dans son propre Plan climat l’obligation de faire manger de la viande aux écoliers chaque jour dans toutes les cantines lausannoises, à l’horizon 2030. C’est contraire au droit fédéral mais le parti n’aurait pas manqué d’arguments: la viande, c’est un produit local, plein de protéines nécessaires à la croissance, c’est bon avec plein de sauces différentes, et l’humain est omnivore depuis 1291 au moins.
Un précédent en 2010
Tout ça ne vous rappelle rien? En 2010, le bientôt ex-municipal socialiste Oscar Tosato avait causé grand scandale parce qu’il avait affirmé être prêt à faire le «pari de l’illégalité» en faisant engager par la Ville de Lausanne des apprentis sans-papiers, ce qui était contraire à la loi.
La formule n’était pas de lui. Elle lui avait été servie sur un plateau par un journaliste qui l’avait employée dans sa question. Ce fameux «pari de l’illégalité» avait tourné en boucle un temps, avant que l’idée d’engager légalement des apprentis sans-papiers soit soutenue par d’autres grandes Villes et finisse par produire un effet aux Chambres fédérales. En 2013 (c’est-à-dire seulement trois ans plus tard), la législation fédérale rendait possible la signature de tels contrats d’apprentissage.
En 2021, la Municipalité rose-verte (et un peu bleue aussi) semble s’être inspirée de la méthode Tosato 2010, dans une version beaucoup moins tintamarresque. Rendez-vous en 2030 pour voir si ce nouveau pari sera gagné.
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« Pour lui, [Mathieu Carrel, chef du groupe PLR au Conseil communal] la volonté de bannir les véhicules thermiques est «clientéliste» et «publicitaire». »
« Clientéliste : (politique) Qui cherche à élargir son influence en attribuant des privilèges. » (définition du Robert)
Quels privilèges ? Pour qui ?
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