Je l’ai vu flotter sur la Riponne samedi dernier. Le drapeau de l’Autriche. Symbole de la «dictature sanitaire» - le retour au confinement donc - dénoncée par les siffleurs qui veulent mettre un terme aux mesures anti-Covid. Au sommet des escaliers surplombant l’aigle sur fond rouge et blanc, le mégaphone éructif d’un organisateur nous promet qu’Alain Berset finira en «Cour martiale».
Tonnerre d’applaudissements même si on se permet de rappeler a posteriori, dictionnaire à l’appui, que cette cour «ne juge en général que des militaires ayant enfreint la «loi» militaire et n’est composée que de militaires». Pareille institution n’existe d’ailleurs pas vraiment en Suisse, en tout cas sous cette appellation. Ni en Autriche d’ailleurs. Et un conseiller fédéral est avant tout un civil et un politicien protégé par son immunité.
«Il y a des larmes qui se perdent.»
Bref, pour en revenir à la contrée de nos voisins, je l’aime. Vienne est une capitale extraordinaire, impérialement contemporaine, génialement accueillante au point d’être classée tout en haut en matière d’offre touristique.
J’ai découvert les vignobles du Kamptal, plantés sur de douces collines dominant les lacs, qui sont aussi beaux que bons. Avec des tâcherons et des œnologues qui m’ont raconté autour d’un Grüner Veltliner exotiquement floral comment le vin est devenu une cause fraternelle et nationale à la sortie de la crise de l’antigel ajouté à certains crus (1985).
Je rêve d’aller dans le Vorarlberg m’imprégner de l’épure absolue de l’architecture boisée des chalets, au passé comme au présent. Alors oui, j’éprouve une véritable note de tristesse en lisant la dernière newsletter de leur Office du tourisme dont le slogan est «savourez la vie». L’Autriche est la première île terrestre de la nouvelle vague du Covid en Europe: les étrangers n’y entrent désormais plus.
Il y a des larmes qui se perdent. Qui peut vraiment croire qu’Alexander Schallenberg, son chancelier au libéralisme économique assumé, dont le credo politique est la défense des droits individuels avant tout, prend du plaisir à décréter un confinement? La politique de l’Autriche vaut-elle moins que celle de l’autruche? De ceux qui refusent le vaccin sous prétexte de la liberté dont ils privent les autres, de ceux qui ne voient pas que cet hiver pandémique risque bien d’être aussi incertain que les précédents, de ceux qui attendent la fin du vote de dimanche avant de prendre des décisions. La glorieuse incertitude du virus nous ramène à un philosophe autrichien, Ludwig Josef Johann Wittgenstein: «Que le soleil se lèvera demain est une hypothèse.»
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Éditorial – Vienne confine à nouveau – La politique de l’Autru(i)che