Commençons par les bonnes nouvelles. L’humanité dispose d’assez de matériaux (minerais rares et stratégiques) qui seront nécessaires pour parvenir à la neutralité climatique en 2050. Une étude récente, publiée dans le journal scientifique de référence «Joule», l’affirme, quels que soient les scénarios retenus. C’est important, car le doute existe souvent dans l’opinion publique.
Les chercheurs ont analysé les réserves des matériaux stratégiques comme le cuivre ou le nickel, y compris les fameuses «terres rares» (qui sont en réalité relativement abondantes), mais aussi les besoins en ciment et en acier. Selon l’étude, les volumes de matières premières pour l’acier, l’aluminium ou le cuivre augmenteront annuellement de 20% environ. Cette quantité de ressources sera tout à fait raisonnable compte tenu des énormes réserves terrestres et du développement des filières de recyclage et de réutilisation. Quant aux terres rares et autres intrants spécifiques aux aimants et batteries, l’extraction devra fortement s’accroître mais sans mettre en péril la transition.
Des pénuries sont probables si la planification est mal gérée. Enfin, les dommages causés à l’environnement seront nettement inférieurs à ceux générés par les forages actuels d’hydrocarbures et les mines de charbon. En 2021, on a extrait des entrailles de la terre 7,5 milliards de tonnes de charbon. Par comparaison, les besoins en minerais, ciment, acier, verre et aluminium, évalués pour les infrastructures énergétiques bas carbone, seront de l’ordre de 200 millions de tonnes par an. En conclusion, la transition énergétique réduira l’extraction minière et générera nettement moins de gaz à effet de serre que la situation actuelle. Bien sûr, toute exploitation minière est polluante; la manière de procéder sera décisive mais la somme du bilan écologique ne fait, elle, pas de doute!
Deuxième bonne nouvelle. Pour la première fois de l’histoire, les investissements dans les technologies propres ont atteint le record de 1100 milliards de dollars, soit l’équivalent des sommes investies dans le pétrole, le gaz et le charbon. Seul domaine à la traîne: le nucléaire où les investissements stagnent, selon le dernier rapport Bloomberg New Energy finance (BNEF).
«En conclusion, la transition énergétique réduira l’extraction minière et générera nettement moins de gaz à effet de serre que la situation actuelle.»
Troisième bonne nouvelle. L’Union européenne (UE) se lance à son tour dans la course aux subventions pour soutenir les investissements dans la transition énergétique. L’Europe répond au plan de l’administration Biden dont les effets sont spectaculaires: les annonces de projets d’investissements de l’ordre du milliard de dollars tombent une à deux fois par semaine alors qu’on en dénombrait, en moyenne, une annonce par an jusqu’ici! C’est dire que la vague verte deviendra gigantesque. À l’évidence, les technologies propres seront les moteurs de l’économie mondiale pour les deux à trois prochaines décennies.
Terminons par une interrogation: que fera la Suisse? Elle observe, étudie (beaucoup) et se demande comment suivre les géants que sont les États-Unis, l’Europe et la Chine, sans disposer d’un marché intérieur suffisant pour attirer les investisseurs, ni de politique de long terme qui donnerait à la Suisse une chance de rester dans le peloton de tête de la vague verte.
Si on fait abstraction de l’excellence de la recherche (menacée par notre stupide isolement européen), la Suisse bricole, alors qu’il s’agit d’une nouvelle industrie. EconomieSuisse se plaint aujourd’hui de l’attentisme et des politiques court-termistes du Conseil fédéral. À raison. Mais il n’y a pas si longtemps, toute mesure envisagée pour accélérer la transition écologique semblait trop ruineuse et contraire au libre marché. Que faire quand ses voisins fixent eux-mêmes les règles de la concurrence?
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La chronique économique – La révolution verte et l’isolement suisse
Les États-Unis ont lancé la course aux technologies vertes pour rattraper la Chine. L’Europe suit le mouvement. Que fera la Suisse?