Sorties cinéma«La syndicaliste», «The Son»: quels films aller voir cette semaine?
«La syndicaliste», c’est Isabelle Huppert. A voir aussi la curiosité «After Sun», un dromadaire dans «Zodi et Téhu, un fils bluesy dans «The Son» et de l’eau dans «Agua». Sans blague.
«La syndicaliste», Huppert, actrice à deux visages

En France, peu d’actrices sont capables de porter un film. De cristalliser l’attention à chacune de leurs apparitions. N’en déplaise à Eric Neuhoff, qui l’avait brocardée dans un brûlot réac couronné du Renaudot de l’essai en 2019, «(Très) cher cinéma français», Isabelle Huppert est de cette catégorie. Et le prouve une fois de plus dans cette «Syndicaliste» qui parvient à passer de la dénonciation politique à une enquête nébuleuse et effrayante autour d’une peu banale affaire d’agression.
En clair, l’actrice revêt ici au moins deux visages. Emporte le thriller vers le mystère. Démarre à la surface d’un drame social pour défier l’insondable vertige créé par les arcanes du pouvoir. Huppert, entourée d’une demi-douzaine de comédiens, est presque de chaque plan, et donne l’impression d’être chez elle.

D’imprimer au métrage une personnalité au moins aussi forte, si pas davantage, que celle de son réalisateur, Jean-Paul Salomé. «La syndicaliste» inquiète. Plus il avance, et plus son intrigue semble franchir d’épaisses volutes de brouillard qui finissent par occulter, de manière figurée, tout l’écran. Il ne fait pas partie de ces films qui se résolvent en une seule vision. On l’a aimé à cause de son actrice mais surtout pour ce profond mystère qu’il dégage.
Note: ***
«Aftersun», bonjour tristesse

Sophie se souvient de vacances en Turquie avec son père. La brunette porte l’insouciance de ses 11 ans, lui traîne un plâtre mystérieux, des secrets de famille recomposée. Entre rires, bains de boue et macarena partagés s’insinuent des regrets avec une grâce persistante.
La caméra faussement maladroite façon home vidéo – car la gamine filme tout et n’importe quoi, la réalisatrice écossaise Charlotte Wells arrache une chronique qui flingue par sa justesse. La fluidité des émotions trouve une équivalence incisive dans le découpage du film, qui alterne séquences de fous rires ou de larmes contenues, de lents vols planés émotionnels en crashs inattendus de formules lapidaires.

Coqueluche des festivals, de Cannes à Deauville, ce premier film vaut à Paul Mescal une citation à l’Oscar du meilleur acteur. Pas volée!

Note: ***
«El Agua», ça coule de source

Dans ce village du sud de l’Espagne hanté par la sécheresse, une légende raconte que le fleuve en crue peut avaler les femmes et que la malédiction se répète à chaque inondation. Les habitants de ces campagnes vivent dans cette contradiction, l’espérance de la pluie et sa détestation. Comme les peurs qui se transmettent, comme les tabous qui carrossent cette société macho. Les jeunes s’en moquent un peu, flirtent et fument au bord de l’eau.
À la manière des contes, la réalisatrice Elena López Riera adosse mysticisme et sexualité à des éléments naturels sur le point d’imploser. Ici Ana, follement amoureuse, tendue vers d’autres lendemains… même si chacun reste ancré dans une terre qui apporte la catastrophe, que les hommes irriguent par souci de transmission.
Accrochée au réalisme, la chronique invite la magie au quotidien, normalise le surnaturel comme une force poétique nécessaire. Et au milieu coule une rivière.
Note: *
«The Son», les miracles n’ont lieu qu’une fois

De l’écrivain Florian Zeller, on connaît «The Father», émouvant premier film sorti en 2020, et même victorieux aux Oscars. Le miracle ne devrait pas se réitérer avec «The Son». On se concentre cette fois sur un ado de 17 ans, Nicholas, qui semble avoir perdu sa joie de vivre. Est-ce le contrecoup tardif de la séparation de ses parents? Une crise comme en traversent bon nombre d’ados?
La réponse importe peu. Car le film, de par sa mise en scène et son montage, stagne dans une sorte de premier degré mainstream que même les comédiens (Hugh Jackman, Laura Dern) ne parviennent pas à relever. Regardable mais quelconque.
Note: **
«Empire of Light», nostalgie tamisée

Coïncidence, Steven Spielberg dans «The Fabelmans», Damien Chazelle dans «Babylon» et enfin Sam Mendès avec «Empire of Light», ont essuyé un cuisant échec commercial américain sur le thème de l’amour du cinéma. Par contre, les spectateurs européens adorent voir ces naissances de vocation…
Pour son premier scénario original, le réalisateur d’origine caribéenne installe ses souvenirs dans les velours désuets d’un cinéma anglais en 1981, cocon protégé du racisme qui gronde au dehors, dans les rues. Hilary Small y a trouvé du travail, un abri aussi, quand elle a vu le bout du fond de sa dépression. Autour de cette bipolaire sous lithium gravite un jeune employé énamouré, des envies d’amourette. Mais même avec Olivia Colman, cette longue histoire s’égare dans les beaux éclairages tamisés de la nostalgie.
Note: **
«Zodi et Téhu, frères du désert», gentillet

Laissez blatérer… Cette histoire d’amitié entre un dromadaire surdoué et un garçonnet berbère ne touchera que les âmes sensibles aux œillades appuyées. Le réalisateur Eric Barbier s’enfonce dans le pathos racoleur en cultivant son âme bon enfant.
Repéré pour son pelage parmi des centaines de spécimens, Téhu «cabotine» autant que le très chou Zodi, décidé à le rendre star des champs de courses. Alexandra Lamy vient faire une apparition de courtoisie en vétérinaire flingueuse de troupeaux fous. Mais tout s’arrange.
Une fable qui trotte au-delà du bien et du mal, tant les paris semblent truqués d’avance.
Note: *
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