Blasphème, indécence, outrances! À lire certaines lettres de lecteurs dans la presse romande, il se passe des choses pas très catholiques le samedi soir sur la RTS. Depuis un mois, le service public diffuse «La vie de J.C.», une série humoristique qui revisite l’existence de Jésus-Christ. Un Vincent Veillon aux longs cheveux dans le rôle-titre, un Yann Marguet rigolard dans celui de l’apôtre Pierre: il n’en fallait pas plus pour déclencher la colère de fidèles téléspectateurs.
«Comment peut-on tourner en ridicule notre religion?» s’offusque un Vaudois. Il conseille ni plus ni moins aux auteurs – dont le dessinateur Zep – d’arrêter immédiatement la diffusion et «de penser à leur rédemption». Plus rares sont les réactions positives, à l’image d’une lectrice fribourgeoise qui revendique le droit de sourire. Et qui félicite le papa de Titeuf pour son audace et sa créativité.
La RTS s’est sentie obligée de répondre à la polémique, confessant par la voix de son porte-parole que l’unique but de cette série est «de divertir». La TV romande plaide pour la diversité des opinions et juge légitime la liberté de ton laissée aux auteurs, à condition qu’elle s’exerce «dans le respect et la bienveillance».
«Rire de la foi, qu’elle soit chrétienne, musulmane ou autre, est non seulement un droit, mais une chance et un devoir.»
Tout le problème est donc de savoir si les limites de la bienséance sont franchies. Une question hautement subjective, bien sûr. À celles et ceux qui se disent choqués par «La vie de J.C.», il est tentant de conseiller de changer de chaîne ou d’éteindre leur poste – geste libérateur s’il en est. Pour ma part, je préfère penser que oui, on peut rire de tout. Y compris de la foi, qu’elle soit chrétienne, musulmane ou autre. C’est même une chance et un devoir, dans un pays où l’on peut le faire sans en craindre les conséquences.
Quant à savoir si c’est fait avec talent, c’est là encore une affaire de goût et de perception. En visionnant les épisodes de la série de Zep, j’ai trouvé des séquences rafraîchissantes et des gags sympathiques. Quand J.C. annonce une grande nouvelle à Marie («Tchô maman, je pars en mission pour le seigneur»), un drôle de quiproquo apparaît: elle croit d’abord qu’elle va être grand-mère, puis se désole en pensant que son fils préfère les garçons…
Il y a aussi des moments scabreux, comme lorsque Simon demande à son pote J.C. de faire un petit miracle rien que pour lui, histoire d’arranger les traits de sa femme laide comme un pou. Au rayon finesse, on a connu mieux.
Monument d’humour «British»
Une petite pensée ici pour l’irremplaçable Pierre Desproges, qui savait mieux qui quiconque prendre Dieu à contrepied. Mais aussi aux Monty Python, qui ont donné vie il y a plus de quarante ans à un monument de l’humour British, «La vie de Brian».
Dans ce film culte, qui narre la vie d’un certain Brian Cohen, né le même jour que Jésus dans une étable voisine, John Cleese et ses compères ne se contentent pas de faire rire. Ils dénoncent au passage toute forme de fanatisme religieux. Ça s’appelle le génie.
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La rédaction – «La vie de J.C.» ne mérite pas les foudres divines
La série humoristique de Zep, diffusée sur la RTS, ose le pari de se moquer de l’histoire biblique. Avec moins de talent que les Monty Python.