La Villa Le Lac rappelle que Le Corbusier était un architecte de la couleur
Sous les petits formats de la plasticienne Florence Cosnefroy, les échanges épistolaires du Chaux-de-Fonnier. Une balade dans les mots et les dimensions.

N'en déplaise à certains qui aiment caricaturer Le Corbusier, il n'y a pas que le béton «fascisant» et le brun qui va avec dans son œuvre. La couleur joue même un rôle majeur dans les réalisations du Chaux-de-Fonnier. Dans ses écrits, il en parle également beaucoup: «La polychromie, aussi puissant moyen de l'architecture que le plan et la coupe. Mieux que cela: la polychromie, élément même du plan et de la coupe.» En 1931, sa palette se compose de 43 nuances et de 13 claviers de couleurs individuels. Pour produire des effets atmosphériques précis. En 1959, il y ajoute 20 nuances plus prononcées.
Les habitants des différentes constructions de Le Corbusier vivent avec ces couleurs. Depuis 2014, la plasticienne Florence Cosnefroy leur a demandé d'en choisir une et de raconter ce concubinage. Pour en faire une installation monumentale à Berlin, Paris, Rezé, Firminy et, bien sûr, Marseille. Des 3000 m2 de la Cité radieuse aux 64 m2 de la Villa Le Lac, à Corseaux, il fallait voir les choses autrement. Sur les murs de la maison paternelle, maternelle, 32 petits formats monochromes allant de l'outremer moyen au jaune. Dessous, les lettres écrites par l'artiste à sa famille, et inversement. «Couleurs et correspondances», le nom de l'exposition est tout trouvé.

«La couleur agit sur l'espace de manière physique et a des effets sur la psyché humaine, disait l'artiste sur le site www.lescouleurs.ch, qui commercialise les peintures fabriquées encore aujourd'hui en Allemagne et en Suisse. […] Le système de Le Corbusier, qui fait plus que proposer des teintes mates et des combinaisons harmonieuses, est intemporel. La polychromie architecturale ne ressemble à aucune autre théorie en la matière.»
La «quatrième dimension»
«Lorsqu'on lit par exemple les lettres qu'il écrit à sa mère, raconte Patrick Moser, conservateur à la Villa Le Lac, on est loin de la sévérité austère que dégage parfois le personnage. C'est sa facette douce, tendre, bienveillante.» «Ma chère petite maman, écrit-il le 28 août 1933, le séjour du Lac est toujours un bienfait pour nous. D'abord parce qu'on retrouve sa maman dont le caractère puissant et vainqueur est un bienfait pour les fils.» Le 10 août 1931, rapport à la route cantonale qui va manger les vignes derrière la maison, il poursuit: «Chez nous, cette route du lac apportera au calme idyllique de la Corbusière lémanique une saveur de modernisme qui est une valeur appréciable.» Texte déposé sous un rectangle ocre rouge clair.
Dans ce minuscule espace, la couleur joue un rôle de «quatrième dimension». Côté Vevey, l'outremer du mur donne de la profondeur alors que le rouge vermillon du caisson joue son effet repoussoir. Les aquarelles et stratigraphies en céramiques de Florence Cosnefroy rappellent une autre réalité. Ou un autre mythe qu'on est en train de déconstruire, brique après brique: celui des villas blanches de l'architecte qui a valu tant de littérature sur leur pureté immaculée. En creusant les couches, on voit que la villa Savoye était plutôt jaune et le sera de nouveau tout bientôt. Quant à notre petite Villa Le Lac, elle a aussi retrouvé son vert. «Celui des capites du vignoble qui prenaient cette couleur quand le paysan les giclait à la bouillie bordelaise en même temps que les vignes. Une teinte pâle qui respecte le terreau socioculturel alentour.»
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.