Deux milliards aux Philippines et puis plus rienL’affaire Wirecard secoue le monde des «fintech»
Le géant munichois des paiements sur internet s’embrouille dans sa comptabilité. Le responsable d’une entreprise de paiement électronique genevoise met en garde sur l’ampleur de l’affaire.

Devenu un incontournable de la gestion des paiements sur internet, le groupe munichois Wirecard se retrouve au cœur d’un scandale financier dépassant les frontières allemandes. Mûrissant depuis des mois, l’affaire a explosé jeudi, avec le refus d’Ernst&Young d’approuver ses résultats annuels, fait rare pour une entreprise du Dax, le club des plus grands groupes allemands.
Ses auditeurs venaient d’être informés par deux banques aux Philippines de la falsification de documents au sujet de comptes sur lesquels 1,9 milliard d’euros étaient censés se trouver. Se disant victime d’une «gigantesque fraude», Wirecard a dû admettre dans la nuit de dimanche à lundi que cet argent, représentant près du quart de ses actifs, «n’existe très probablement pas».
Soupçons du «FT» dénoncés
Cette affaire entourant un groupe qui gérait il y a vingt ans les paiements de sites pornos – sa valeur a depuis dépassé celle de la Deutsche Bank – ne vient pas de nulle part. Il y a un an et demi, un article du «Financial Times» avait mis le feu aux poudres, laissant entendre que la comptabilité de la filiale de Singapour avait été embellie afin de gonfler comme une baudruche le bilan du groupe.
Son patron de longue date Markus Braun – il a jeté l’éponge la semaine dernière – a toujours soutenu que ces écrits visaient à faire la fortune de spéculateurs londoniens jouant ses actions à la baisse. Au point que le gendarme financier allemand, la Bafin, a déposé il y a un an une plainte pénale contre le quotidien financier.
Trop gros pour faire faillite?
L’activité de Wirecard consiste à gérer l’infrastructure de paiement pour d’autres fournisseurs de cartes – même Revolut a un temps utilisé leur système. Mais aussi à fournir ces services à une myriade de sites de vente en ligne.
La firme revendique plus de 300’000 entreprises clientes et a la confiance des géants chinois du paiement mobile Alipay et WeChat, comme celle d’Apple ou de Google. En Suisse, quand La Poste vante ses services aux PME voulant expédier des colis vers l’immense marché des internautes chinois, c’est Wirecard qui est mis en avant pour les paiements. Comme c’est Wirecard qui gère les paiements sans contact effectués en Allemagne par les propriétaires d’une montre SwatchPay.
«Leur véritable innovation a été commerciale – celle de se spécialiser dans ces services de paiement et de les proposer sous forme de marque blanche afin d’en ouvrir l’accessibilité à de nombreuses sociétés… alors que jusque-là les banques géraient jalousement leur propre service, verrouillage encore en vigueur en Suisse avec le rôle dominant d’UBS, Viseca ou CornèrCard», décrit Arnaud Salomon, fondateur de la société Mt Pelerin. «Leur irruption a évidemment dérangé tous ces acteurs historiques» poursuit le responsable de cette PME «fintech», à l’origine spécialisée dans la mise au point de solutions de paiement alternatives.
«Personne n’a intérêt à voir ce mastodonte chuter»
Ce dernier reconnaît envisager d’offrir les services de Wirecard au travers de MtPelerin.com. Il dit n'avoir pas l'intention de mettre fin aux discussions. «Personne n’a intérêt à voir ce mastodonte chuter, cela fragiliserait des milliers de PME dont les ventes dépendent de ses services», estime le patron de Mt Pelerin. Wirecard serait-il trop gros pour être abandonné à la faillite? On l’a dit de tant de géants disparus avant lui.
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