«Lausanne pourrait faire du Vallon un modèle de dépollution»
L'ingénieur horticole Gilles Clément vante la diversité qui naît d'espaces délaissés. En biologie mais aussi dans notre société.

Le Vallon prône l'école buissonnière. De mercredi à vendredi, les acteurs associatifs et culturels du quartier ont invité la population à participer, sur le terrain, à une «École du Tiers-Lieux». Une série d'ateliers, de promenades en plein air et de moments festifs pour penser l'avenir du quartier, en particulier de la friche urbaine laissée par l'ancienne usine d'incinération. Et de quoi poursuivre la démarche participative initiée il y a plusieurs années.
Pour bien saisir l'intitulé de la manifestation, il faut se tourner vers son principal invité. Le Français Gilles Clément est ingénieur horticole, paysagiste, jardinier et écrivain. Surtout, il est à l'origine du concept de Tiers-Paysage, particulièrement applicable au Vallon.
D'où vient cette notion de Tiers-Paysage et que signifie-t-elle?
De chez moi, dans le Limousin (France). J'y ai vu un paysage avec seulement des masses boisées et des prairies, un paysage binaire sans réelle diversité biologique. Et pour cause, la biodiversité se trouve ailleurs, dans des espaces résiduels où les machines ne vont pas. Ces sites délaissés accueillent donc toute la diversité qu'on ne veut pas autre part. Il faut considérer ces friches comme un trésor et non comme une honte. Et puis l'expression fait référence au mot de l'abbé Sieyès sur le Tiers-État français. Il disait: «Qu'est-ce que le Tiers-État? Tout. Quel rôle a-t-il joué jusqu'à présent? Aucun. Qu'aspire-t-il à devenir? Quelque chose.»
Ce concept est-il applicable à l'échelle du Vallon?
Oui, il est applicable à l'échelle d'un quartier ou d'une ville. Le Tiers-Lieux est en fait une autre manière de caractériser le Tiers-Paysage. Le Vallon est un territoire qui accueille une population dont la diversité est chassée partout ailleurs (ndlr: marginaux et toxicomanes, notamment). Les structures créées ici n'existent pas dans d'autres secteurs. C'est une richesse, et un quartier exemplaire qui donne une possibilité de vivre à ceux que la société rejette. D'habitude, il existe un cloisonnement. Il vient d'un modèle culturel qui refuse la complexité humaine. Si vous vous écartez de la règle, vous êtes exclu. Pourtant il faut accepter qu'il existe une diversité comportementale. Sinon, que sommes-nous? Des objets?
La nature a-t-elle un rôle à jouer dans un quartier en transition comme le Vallon?
Elle est même encore plus cruciale puisque le site de l'ancienne usine d'incinération, qui accueillera des logements, est pollué. Personnellement, j'y vois l'occasion de faire du quartier un modèle de dépollution urbaine où la nature aurait donc un rôle d'assainissement. Une sorte de laboratoire qui servirait de référence à l'échelle mondiale. Comment partir d'un site considéré comme une poubelle pour en faire un lieu habitable? Comment fonctionne la masse végétale? Comment interagissent les plantes? Le processus serait long, mais la Suisse a les moyens de servir d'exemple.
Et Lausanne?
Il est toujours possible d'aller plus loin. Prenez Lausanne Jardins, dont j'ai rencontré certains responsables. Il faut se demander pourquoi on fait ça. Pour décorer? En 2019, le thème sera la pleine terre. Moi je propose d'utiliser les taupes. J'ai fait l'expérience chez moi, elles font germer une diversité de plantes messicoles (qui vivent dans les moissons ou les cultures) disparues qui ont besoin de sols retournés.
Politiquement, l'idée serait donc d'expérimenter davantage?
En tout cas de porter l'indécision à la même hauteur que la décision. De ne pas gérer le territoire de manière technocratique mais de prendre position sur ce qui arrive. Les villages anciens, adaptés à la typologie du territoire, étaient organiques, pas technocratiques. Nous ne faisions pas de grands terrassements pour poser des barres d'immeubles toutes droites. Mais la technologie a donné quelques absurdités.
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