De quoi le bambou est-il le nom? Voilà un sujet qui, pour anodin qu’il apparaisse, prête à réfléchir. À l’appui: intuition sociologique et réponse du jardinier.
L’intuition sociologique d’abord. Avez-vous déjà remarqué combien d’hôtels, restaurants, bars, mais aussi, chez les particuliers, de jardins, terrasses et balcons affichent cette plante asiatique? Depuis quelques années, elle a envahi une proportion importante de nos espaces publics, privés et également de nos imaginaires. Il n’y a qu’à voir, les jardineries en proposent à foison: petits bambous dans leurs céramiques asiatiques, bambous de belle taille pour se calfeutrer dans sa propriété, etc.
«Le bambou, cet Easyjet de nos jardineries: on se paie de l’exotisme à moindres frais, le monde semble à portée de main.»
Le bambou s’apparente un peu aux avocats dans notre cuisine: le guacamole, c’est stylé; le bambou, aussi! Le bambou, cet Easyjet de nos jardineries: on se paie de l’exotisme à moindres frais, le monde semble à portée de main. De fait, le bambou génère une certaine production d’images et le désir d’en être. Mais le désir d’être quoi, au fait? Cosmopolite au standing affiché, branché. Mais hors-sol. Car il faut le dire, sous nos latitudes, le bambou est avant tout affaire d’image: arbuste dont l’apparence ne se modifie que peu au fil des saisons, il tient davantage du décor – quasi de la plante artificielle – que du végétal. Une image donc; peut-être celle de la vacuité.
Je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne, à chaque fois que je traverse un lieu qui affiche cette espèce, je tique et mon inconscient me lance des signaux d’alerte. Je sens effectivement une identité par trop superficielle, un décor qui sonne faux. Dans tous les cas, quelque chose d’inauthentique et qui manque de caractère.
La fonction sociale du bambou réside peut-être bien dans l’affirmation d’une identité sans caractère, d’espaces réceptacles de personnalités liquides, libérales. Un peu comme si cette essence désignait les endroits «courus» qui fleurissent partout et dont l’exotisme ne serait que formatage. Le bambou incarne ainsi parfaitement la mondialisation et une certaine représentation de la société.
Une plante envahissante
Or, que nous dit le jardinier? Le bambou, plante à caractère envahissant, développe des rhizomes de plusieurs mètres de long, à partir desquels de nouvelles pousses aériennes et des racines se forment. Il devient donc problématique lorsqu’il se répand dans les milieux naturels. S’agissant d’une espèce très couvrante et compétitive, il empêche effectivement la flore indigène de se développer. Par ailleurs, une haie de bambou monospécifique ne contribue pas du tout à la diversité biologique et sera moins résiliente. Enfin, n’étant précisément pas originaire de nos contrées, le bambou n’apporte aucune ressource alimentaire à la faune locale.
Et ne me lancez pas sur les thuyas… Mieux vaut en rester là pour cette fois!
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L’invité – Le bambou, signe d’un lifestyle prétentieux et dangereux?
Philippe Somsky voit dans la plante ligneuse une concrétisation de la mondialisation et un ennemi des milieux naturels.