Bien sûr… chacun peut choisir de conspuer Plateforme 10, en restant figé telle une statue de sel dans le désert de béton du quartier des arts vaudois qui s’ouvre au public ce week-end. Libre à chacun, aussi, de déplorer l’absence de végétation et de points d’eau que la canicule se charge de rendre encore plus inexcusable alors que les villes (riches) développent un urbanisme vert afin de s’aérer le plus possible.
Mais respirons, ça devrait pousser sur les 25’000 m2 de l’ex-territoire ferroviaire! Le Grand Conseil ayant rallongé les 186 millions du coût de construction des trois musées d’un crédit additionnel de 2,8 millions pour, entre autres, végétaliser les lieux. Sûr, encore, que les récentes pertes sur salaire des personnes les moins bien payées du site ne doivent pas être tues. Tout comme il ne s’agit pas de se laisser éblouir par les sourires de l’inauguration: la gouvernance, en art non muséifié, est d’autant plus difficile lorsque l’État propriétaire impose par surprise une administration générale du site aux directeurs du Musée cantonal des beaux-arts, de Photo Élysée et du Mudac.
«Un site culturel ne devrait pas craindre la vérité, l’esprit critique étant l’un de ses étendards contre la standardisation, les «fake news» et l’étiolement collectif.»
Plane encore comme une ombre au tableau cette peur qui cherche à gommer tout ce qui pourrait attiser la controverse, comme si Plateforme10 pouvait être aussi propre en ordre que son esplanade avant l’arrivée des visiteurs. Or les réalités, conflictuelles ou pas toujours éthiquement irréprochables, existent. Même dans un quartier des arts lorsqu’il s’agit, par exemple, de se donner les moyens de concrétiser certaines expositions! Un site culturel ne devrait pas craindre la vérité, l’esprit critique étant l’un de ses étendards contre la standardisation, les fake news et l’étiolement collectif.
Mais passons sur ces errements, car même doté de vénérables institutions – 273 ans d’âge à elles trois – Plateforme10 est un quartier des arts, naissant. Et s’il est déjà un microcosme acté, financé et construit en un temps de vrais décideurs, il est aussi cette promesse de vibrations nouvelles dans une ville fan de sa culture classique et underground. On est à Lausanne, pas à Paris, ni à Bâle ou Zurich, et on a su rêver et voir grand avec ce projet. Alors entre le droit de décrier et le choix de l’enthousiasme, ne laissons pas l’un griller la priorité à l’autre: on est au début d’une aventure qui aide à décoder le présent et à construire l’avenir.
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Éditorial sur Plateforme 10 – Le choix de l’enthousiasme face au droit de critiquer
C’est au public de découvrir dès ce week-end le chantier à côté de la gare de Lausanne, devenu un quartier des arts et un nouvel atout culturel.