Revivez la décision en directLe jour historique où la Suisse a dit non à l'UE
Après sept ans de négociations avec l'Union européenne, le Conseil fédéral a enterré l'accord institutionnel. Cela a provoqué des remous. Chez les Verts libéraux et la gauche, les critiques sont acerbes.
Journée historique pour la Suisse. Après plus de sept ans de négociations avec l’Union européenne sur un grand accord-cadre pour chapeauter les accords bilatéraux passés et à venir, le Conseil fédéral a clairement tiré la prise. Non, il ne signera pas cet accord qu’il juge défavorable aux intérêts de la Suisse.
Pourquoi? Essentiellement parce qu’il craint notamment un affaiblissement de la protection salariale des résidents suisses et une facture sociale importante en faveur des ressortissants de l’UE.
Le Conseil fédéral a dit clairement les choses tout en ménageant les susceptibilités de la Commission européenne. Il réitère notamment sa volonté d’entretenir les meilleures relations possibles avec l’UE, il s’engage pour débloquer le milliard en faveur des pays de l’Est et il compte adapter de façon autonome certaines lois pour les rendre plus compatibles avec la législation européenne afin de faciliter l’accès au marché.
La décision du Conseil fédéral a provoqué de violentes réactions de dépit chez les Verts libéraux, les Verts et dans une certaine mesure au PS. À l’UDC, au contraire, on se réjouit de cet enterrement. Le Centre prend acte de ce tournant et veut éviter l'escalade de mesures de rétorsion.
Découvrez le récit minute par minute de cette décision historique telle qu’elle a été vécue par Arthur Grosjean et Arnaud Mittempergher.
La décision du Conseil fédéral ne laisse personne indifférent à Berne. L’UDC jubile, les syndicats respirent et les milieux économiques s’inquiètent.
Lire notre article: «Tout envoyer à la poubelle maintenant, c’est consternant»

Les cantons «regrettent fortement» l’arrêt des négociations pour un accord institutionnel avec l’Union européenne. Ils jugent que la voie bilatérale doit être poursuivie et sont prêts à s’investir pleinement dans ce but au côté de la Confédération.
Dans un communiqué publié mercredi, la Conférence des gouvernements cantonaux déplore l’échec des négociations avec Bruxelles décrété par le Conseil fédéral. Ils appellent Berne à clarifier dans les meilleurs délais les conséquences de cette décision et les points en suspens dans les relations avec l’UE.
Pour les cantons, il s’agit de préserver et développer le dispositif contractuel avec l’Union, sans oublier de renforcer les relations commerciales hors marché commun.
Ministre d’un pays voisin, l’Autrichienne Karoline Edtstadler a qualifié la décision du Conseil fédéral de «très regrettable». «Nous sommes toujours convaincus que la conclusion de l’accord-cadre institutionnel aurait constitué une bonne étape et apporté des avantages aux deux parties», a-t-elle indiqué dans un communiqué.

L’Union européenne a tenté jusqu’au bout de trouver une bonne solution pour les deux parties, a souligné Karoline Edtstadler. «Nous devons maintenant analyser attentivement la position du Conseil fédéral et discuter des prochaines étapes.»
Selon le président de la délégation du Parlement européen pour la Suisse, le conservateur allemand Andreas Schwab, certains en Suisse ont trop longtemps émis l’hypothèse que «le Brexit renforcerait leur position de négociation». D’après lui, la décision du Conseil fédéral provoque des dégâts considérables. «Les questions ouvertes dans les relations entre la Suisse et l’UE demeurent. Aucun problème ne peut être résolu en rejetant l’accord-cadre», a-t-il ajouté.
Soulignant qu’il s’agit d’une mauvaise journée pour le marché intérieur européen, son collègue vert allemand dans la délégation parlementaire, Sven Giegold, ne dit rien d’autre: la rupture des négociations ne résout pas un seul problème. Il faut désormais empêcher une prochaine escalade des sanctions et des obstacles mutuels, a-t-il ajouté dans un communiqué.
Mais Andreas Schwab l’assure: l’UE négociera toujours avec la Suisse. C’est en particulier dans l’intérêt des frontaliers de tous les pays voisins de la Suisse.
L’UDC s’est réjouie mercredi de la décision du Conseil fédéral de ne pas signer l’accord-cadre avec l’Union européenne. Elle est «heureuse de constater que des décennies de lutte ont porté leurs fruits».
L’accord institutionnel avec l’UE «aurait signifié une perte massive de souveraineté pour la Suisse et miné la démocratie directe», selon le parti. «Grâce aux longs et inlassables efforts de l’UDC, l’accord institutionnel avec l’UE n’est finalement plus sur la table», s’est félicité son président Marco Chiesa, cité dans un communiqué.

«C’est une victoire pour la démocratie directe et donc pour le peuple suisse», a-t-il ajouté. Avec cette décision, le peuple suisse reste le législateur suprême et non l’UE. Pour l’UDC, si le Conseil fédéral a pris la bonne décision, il faudra toutefois veiller à l’avenir que le gouvernement ne répète pas les mêmes erreurs que durant les négociations de l’accord-cadre. Il ne doit pas y avoir d’accord où la Suisse se soumet au droit de l’UE.
Le conseiller national UDC et président de l'ASIN (Association pour une Suisse indépendante et neutre) se réjouit de l'abandon de l'accord-cadre. «C'est une belle journée pour la liberté et l'avenir du pays».
Parmelin n'a pas voulu passer un simple coup de téléphone à Ursula von der Leyen pour lui annoncer la décision. Il lui a envoyé une lettre. Que dit-elle? «Ces derniers mois, nos négociatrices en chef ont travaillé intensément et avec un grand engagement dans Ie but de trouver des solutions aux trois points encore ouverts du projet d’accord institutionnel. Malgré cet engagement, ces négociations n’ont pas permis de dégager des points de convergence suffisants. Des divergences substantielles persistent entre Ia Suisse et l’Union européenne sur certains points clés du projet d’accord liés à la libre circulation des personnes comme Ia protection des salaires ou la directive relative au droit des citoyens de l’UE.» Mais Parmelin assure que la Suisse veut poursuivre une collaboration intense avec l'UE.
La conférence de presse du Conseil fédéral est terminée. Ce qui était frappant, c'était la clarté du message sur l'accord institutionnel. Alors que pendant des années le Gouvernement suisse a évité de dire publiquement clairement les choses, le ton a changé depuis la visite à Bruxelles de Parmelin. On ne parle plus «d'éclaircissements» mais bien de «divergences fondamentales». Les trois conseillers fédéraux ont assumé mercredi droit dans leurs bottes une décision qui va provoquer des remous politiques.
Vous pouvez visionner la conférence de presse dans son intégralité ci-dessous:
Le Centre «prend acte» de la décision du Conseil fédéral de mettre fin aux négociations avec l’UE sur un accord-cadre. Il est prêt à «assumer ses responsabilités» afin de développer rapidement des solutions viables pour les industries concernées et une perspective pour les relations bilatérales Suisse-UE.
Il s’agit notamment de renforcer à nouveau le partenariat social, qui a été «inutilement déstabilisé», poursuit le Centre mercredi dans un communiqué. «C’est très important si nous voulons trouver à nouveau des solutions larges en politique européenne qui soient soutenues au niveau national», pense Gerhard Pfister, président du parti.

«Oui à la poursuite du développement de la voie bilatérale, mais pas à n’importe quel prix», insiste le parti, qui constate que l’accord-cadre actuel «est apparemment un prix trop élevé pour le Conseil fédéral».
«Il s’agit maintenant d’éviter l’escalade de part et d’autre et de développer des alternatives pour garantir et développer les bonnes relations», déclare Gerhard Pfister. «Nous voulons trouver une bonne voie avec notre partenaire le plus important, l’UE.»
Le Conseil fédéral a fait preuve de bon sens en ne signant pas l’accord-cadre avec l’Union européenne, a estimé mercredi l’Union suisse des arts et métiers (usam). Dans sa version actuelle, le texte faisait trop de concession.
L’accord-cadre, tel que négocié, n’était pas adapté au maintien de la compétitivité de l’économie suisse, selon l’usam. La faîtière des PME salue par ailleurs la volonté du Conseil fédéral de poursuivre les relations avec l’UE et de préserver la coopération bilatérale qui a fait ses preuves.

L’usam avait critiqué divers éléments de l’accord qui aurait conduit la Suisse à accepter une perte importante de souveraineté. Cela ne correspond pas à une négociation entre partenaires sur un pied d’égalité et n’aurait pas été en mesure d’obtenir une majorité devant le peuple, selon l’usam.
La faîtière souligne que l’accès mutuel au marché entre la Suisse et l’UE reste un atout important. Elle soutient la déclaration du Conseil fédéral selon laquelle il s’efforcera de débloquer rapidement le milliard de cohésion. Elle considère toutefois qu’il faut utiliser ces fonds en priorité pour assurer la participation des universités suisses aux programmes de recherche européens.
Cassis explique que le refus de signer un accord institutionnel avec l'UE n'a rien à voir avec le Brexit. Dans un cas, un membre de l'UE fait un pas en arrière alors que dans l'autre, un nom membre de l'UE ne veut pas s'engager sur un nouvel accord institutionnel.
Le Parti socialiste déplore l’échec des négociations sur l’accord-cadre qu’il impute avant tout au ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis. Pour le PS, toutes les forces constructives doivent désormais travailler ensemble sur une politique européenne qui offre des perspectives. La question des négociations d’adhésion ne doit pas être taboue.
Le PS regrette dans un communiqué que le Conseil fédéral n’ait pas examiné sérieusement d’autres voies de négociations, notamment celle que le PS a lui-même proposée: la concession de la Suisse sur la directive européenne sur la citoyenneté en échange de garanties de l’UE sur la protection des salaires.
Pour le président Cédric Wermuth, cité dans le communiqué, l’échec est dû à l’abus de confiance fondamental du ministre des affaires étrangères PLR, responsable du dossier, dont les négociateurs ont tenté d’affaiblir la protection salariale et le service public à travers les portes dérobées de l’accord institutionnel.

Même si l’échec de l’accord institutionnel devait entraîner un mécontentement temporaire, le PS ne voit aucune raison pour les deux parties de mettre en doute la bonne volonté et la compréhension de la nécessité de relations étroites et approfondies entre la Suisse et l’UE.
Et pour le PS, la meilleure option en matière de politique européenne à moyen terme reste l’adhésion de la Suisse à l’UE. Le parti attend du Conseil fédéral qu’il présente des propositions concrètes.
Un journaliste demande à Cassis s'il s'agit d'un échec personnel et s'il compte changer de Département. Cassis explique qu'il est le 3e conseiller fédéral en charge de ce dossier. Parmelin ajoute que «les succès et les échecs sur un dossier de cette importance seront toujours ceux du Conseil fédéral. Cela a toujours été comme cela, et cela le sera toujours à l'avenir».
Des milliers d’emplois de qualité en Suisse dépendent de la voie bilatérale, insiste pour sa part Swissmem, également déçue de la décision du Conseil fédéral. De plus, l’accord-cadre est une condition dans le contexte de la conclusion de nouveaux accords. Or, pour la sécurité d’approvisionnement en électricité en particulier, un accord sur l’électricité serait nécessaire et urgent.

Swissmem exige également du Conseil fédéral qu’il atténue les impacts négatifs de sa décision.
Economiesuisse regrette que les discussions entre Berne et Bruxelles n’aient pas abouti. Pour la faîtière patronale, il appartient à présent au Conseil fédéral de stabiliser la voie bilatérale et de limiter les dommages.
Une relation stable à long terme avec l’UE et ses États membres reste de la plus haute importance pour l’économie suisse, ajoute mercredi la faîtière. Préserver les avantages de la voie bilatérale doit donc rester un objectif prioritaire.

Là où l’érosion des accords bilatéraux entraîne des désavantages prévisibles pour la place économique, il faut prendre des mesures ciblées pour atténuer les dommages. Plus les dommages attendus pour la place économique suisse sont importants, plus les réformes visant à améliorer durablement la compétitivité internationale de la Suisse doivent être étendues.
Les milieux économiques suisses sont bien entendu prêts à collaborer à l’élaboration de ces réformes et à celle des mesures nécessaires, précise la faîtière.
Interrompre les négociations liées à l’accord-cadre est une décision jugée «irresponsable, froussarde et erronée» par les Verts. Cet échec aura des répercussions négatives considérables pour l’UE, mais surtout pour la Suisse. Au ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis et au collège gouvernemental d’en assumer la responsabilité, affirme le Parti écologiste.
Selon, les Verts, la tentative du Conseil fédéral d’affaiblir la protection salariale suisse à la faveur de l’accord-cadre s’avère une erreur stratégique fatale. Ce faisant, le gouvernement a détruit en Suisse la coalition autour d’une politique européenne pragmatique qui avait rendu possible les bilatérales, analyse le président du parti, Balthasar Glättli, à l’annonce de la suspension des négociations.

«Faute de communiquer suffisamment, de répondre avec clarté aux questions ouvertes ou encore d’évaluer en profondeur l’accord, ils ont laissé le champ libre aux forces réactionnaires eurosceptiques des années durant», ajoutent les Verts.
Le parti invite dès lors Conseil fédéral et Parlement à «envoyer sans tarder des signaux d’apaisement à l’UE et à entreprendre des démarches pragmatiques et concrètes pour stabiliser notre coopération et la consolider: la Suisse doit libérer immédiatement la contribution de cohésion, car elle vise à réduire les inégalités socio-économiques en Europe».
Le fait que la Suisse n'a aucune chance désormais de signer un accord sur l'électricité avec l'UE met-il le pays en position délicate en cas de black-out? Guy Parmelin admet qu'un tel risque existe. «Mais le Conseil fédéral travaille sur plusieurs scénarios pour minimiser les risques».
Le Conseil fédéral explique qu'il a pris différentes mesures pour contrer les mesures de rétorsions de l'UE sur l'équivalence boursière et sur les dispositifs médicaux. «Pour limiter les conséquences négatives, le Conseil fédéral a commencé il y a un certain temps déjà à planifier et à mettre en œuvre des mesures d’atténuation. Ainsi, en juin 2019, il a notamment activé la mesure visant à protéger l’infrastructure boursière suisse, en réaction à la décision de l’UE de ne plus accorder l’équivalence boursière à la Suisse. Enfin, pour anticiper la non-actualisation du chapitre de l’ARM consacré aux dispositifs médicaux, le Conseil fédéral a décidé de mesures unilatérales visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement ainsi que la surveillance du marché.»
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