Le Conseil fédéral sera plus marqué à droite
De l'UDC au PS, on reconnaît que l'élection de Cassis déplace le curseur politique. Cela pourrait avoir des conséquences sur le dossier européen

«Avec l'élection d'Ignazio Cassis, le Conseil fédéral glisse à droite», déplore Roger Nordmann, le chef du Groupe socialiste, interrogé immédiatement après le vote de l'Assemblée fédérale. «Il y avait déjà eu un premier glissement avec l'élection de l'UDC Guy Parmelin qui remplaçait la conseillère fédérale PBD Eveline Widmer-Schlumpf. C'est inquiétant.»
Cette inquiétude est largement partagée à gauche. Le conseiller national Jean Christophe Schwaab (PS/VD) note avec consternation que «les assureurs-maladie ont réussi à installer un des leurs au cœur du gouvernement fédéral». Son collègue Carlo Sommaruga (GE) ne se laisse pas amadouer par le fait que Cassis a cité Rosa Luxembourg, grande figure de la gauche révolutionnaire, dans son discours d'intronisation. «Macron aussi cite Che Guevara. Cela ne veut rien dire. Nous assistons à la mise en place d'un diktat UDC-PLR. Cassis devra donner des gages à l'UDC qui l'a soutenu. Le PS doit absolument renforcer son rôle d'opposition et ne pas hésiter à combattre cette politique à coups de référendums.»
Dans les partis bourgeois, on reconnaît bien volontiers qu'il y a un glissement à droite avec l'élection de Cassis. «C'était même un de nos objectifs», lâche le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS). La vice-présidente de l'UDC, Céline Amaudruz, trouve que ce glissement reflète mieux les forces du parlement depuis les dernières élections fédérales. «Les groupes UDC et PLR disposent d'une majorité au Conseil national.» Le vice-président du PDC, Yannick Buttet, ne s'embarrasse pas de formules pour décrire la nouvelle situation au gouvernement. «Oui, il y a un glissement à droite. Didier Burkhalter votait souvent avec les deux conseillers fédéraux de gauche.»
«Cassis est moins enclin au vertige européen que Burkhalter»
Comment le déplacement du curseur à droite va-t-il se traduire concrètement? Pour le conseiller national Yves Nidegger (UDC/GE), cela se ressentira avant tout sur le dossier européen. «Cassis est moins enclin au vertige européen auquel succombait Burkhalter. Il vient d'un canton où les problèmes de la libre circulation avec l'UE sont patents: surpopulation italienne, dumping salarial, etc.» En clair, il sera moins disposé à faire des concessions. Pour le vice-président du PLR, Philippe Nantermod, l'élection de Cassis va amener du changement, d'autant plus s'il reprend le Département des affaires étrangères (voir aussi ci-contre). «Il y aura une clarification rapide sur nos relations avec l'Union européenne. A mon avis, l'accord institutionnel, c'est fini!»
D'autres changements notoires avec l'arrivée de Cassis? «Une politique financière plus dure», estime Carlo Sommaruga. «Il est contre le desserrement du frein aux dépenses qui permettrait d'utiliser une partie des bonis pour des investissements.» Yves Nidegger voit, lui, un changement sur la politique de santé. «Il ne considère pas l'assurance-maladie comme un accès à un self-service. Et il se prononce contre une caisse unique.»
S'il y a un parti bourgeois que ce glissement à droite embarrasse, c'est le PDC. Ce dernier, représenté par Doris Leuthard, jouait parfois le rôle de bascule entre les Maurer, Parmelin, Schneider-Ammann d'un côté et Sommaruga, Berset, Burkhalter de l'autre. Le conseiller national Claude Béglé (PDC, VD) craint une perte d'influence de son parti. «Il y a deux tendances chez nous. Ceux qui pensent que Cassis est un homme qui va faire le jeu du bloc UDC-PLR et ceux qui estiment qu'il a une conviction personnelle suffisamment forte pour s'affranchir de la logique des blocs. Je redoute une polarisation politique au sein du collège et donc une marginalisation du PDC et de son rôle de pivot.»
«Doris Leuthard est suffisamment forte pour dégager des majorités»
Le président du PDC Gerhard Pfister, qui a mouillé sa chemise pour Ignazio Cassis, ne croit pas une seconde à une perte d'influence de son parti dans le nouveau collège. «Doris Leuthard est une conseillère fédérale suffisamment forte pour dégager des majorités. Ignazio Cassis a aussi démontré qu'il n'est pas un tenant de la ligne dure dans le sillage de l'UDC. Sur la loi d'application de l'initiative «Contre l'immigration de masse», il a d'ailleurs pactisé avec le PS contre l'UDC.»
Pour Pfister, le système suisse est contraire à une logique de blocs. Selon lui, chaque parti tisse des alliances changeantes selon l'objet qu'il souhaite faire passer devant le parlement ou au sein du gouvernement. Voilà pourquoi il relativise largement la notion de glissement à droite. «Il y a une espérance ou une crainte sur ce glissement qui m'apparaît dans les deux cas exagérée.»
Christian Levrat, président du PS et vieux crocodile de la politique, ne s'alarme pas vraiment de l'arrivée de Cassis au pouvoir. Il constate froidement que les différences idéologiques entre les trois candidats étaient très minces. «Sur l'Europe, avec un nouvel emballage sur l'accord institutionnel, Cassis est sur la ligne du Conseil fédéral actuel.» Il admet néanmoins que Cassis et Maudet n'avaient pas le même profil européen puisque le Genevois est membre du Nomes.
Maintien de la voie bilatérale
Le vice-président du PLR, Christian Lüscher, ne voit pas non plus un grand changement politique à droite. «Il y aura peut-être un peu plus de bombage de torse avec l'Union européenne. Mais sur le fond, il est rassurant, même pour l'UE, que l'Assemblée fédérale élise un nouveau conseiller fédéral déterminé à maintenir et à consolider la voie bilatérale.»
Alors beaucoup de bruit pour pas grand-chose sur le glissement à droite? Pas tout à fait. Une chose demeure incontestée: le déplacement à droite personnel d'Ignazio Cassis au fil des ans. Cet ancien médecin cantonal chargé de la prévention s'en est expliqué récemment dans nos colonnes: «Peu à peu, j'ai réalisé que ce n'était pas à l'Etat de dicter le comportement des gens. La liberté et la responsabilité des individus me semblent aujourd'hui plus importantes.» Cassis a donc désormais un profil libéral alors que Didier Burkhalter se rattache plutôt à la tradition étatique de l'ancien Parti radical.
Mercredi, lors de sa première conférence de presse, le Tessinois a cependant essayé de contenter tout le monde: «Je porterai les valeurs libérales et radicales au Conseil fédéral mais dans un esprit collégial.»
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