Le Corbusier, un héritage qu'il faut répudier
Pierre Frey soutient que l'œuvre de Charles-Édouard Jeanneret n'a pas sa place dans l'héritage commun de l'humanité.
Dans son édition du 13 avril, «24 heures» a relancé de facto la question de savoir si l'œuvre de Le Corbusier est digne d'être considérée comme Patrimoine mondial de l'humanité.
On peut être ému par la chapelle de Ronchamp, on peut faire au couvent de la Tourette un pèlerinage intense, il restera toujours l'antisémitisme de Le Corbusier. Dans sa correspondance, il est explicite, récurrent et profond. Rien à voir avec un verbe devenu a posteriori politiquement incorrect, car Le Corbusier joint les actes à la parole en rejoignant le Vichy du maréchal Pétain. Il y séjourne 17 mois, pendant que ce gouvernement, dont il espère la commande de son grand œuvre, prête la main à la déportation et au génocide des juifs. Cela n'a rien à voir avec le bavardage d'un artiste distrait mais fait partie intégrante d'une idéologie qui fonde sa pensée et ses projets.
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Pour Le Corbusier, ses Unités d'habitation de grandeur conforme sont conçues comme des ensembles résidentiels d'élevage humain où une élite serait entraînée à l'hygiène d'une vie saine. Aux masses pauvres, il réserve les cabanes «murrondins» par lesquelles ils pourraient repeupler les campagnes. Les Unités d'habitation de Le Corbusier sont consubstantielles d'un projet politique urbanistique et architectural conforme à l'eugénisme prôné par son ami, le Dr A. Carrel. Celui-ci trouve toute sa place dans les contextes totalitaires de l'Europe de la première moitié du XXe siècle. Il est aux antipodes de l'attitude et de l'action des nombreux membres du Bauhaus, authentiques pionniers de la modernité dans l'architecture et les arts décoratifs et qui ont fui l'Allemagne nazie dès le début des années 30.
En art, l'intention qui détermine la création est capitale pour sa réception. Le «Guernica» de Picasso n'est pas un exercice formel, il est un cri de l'artiste contre la barbarie nazie qui vient de martyriser une ville et son peuple. C'est cette émotion qu'ont partagé et que persistent à partager celles et ceux qui contemplent cette œuvre.
Dès lors il est imprudent de recourir au conditionnel s'agissant de qualifier l'ostracisme dont ont été victimes les chercheurs, spécialistes qui se sont attachés depuis vingt ans à réviser une historiographie idolâtre.
C'est l'honneur des Éditions Non Standard d'avoir publié des textes refusés en raison de leur orientation critique. Ces recherches sur la nature et les conditions dans lesquelles se manifeste l'œuvre de Le Corbusier sont diverses, multiples, sérieuses et fondées; une révision de sa réception est inéluctable et il n'est pas exagéré de penser et de dire que son inscription au Patrimoine mondial de l'humanité, obtenue à force d'insistance, finira par être remise en cause. En effet, l'œuvre architecturale et urbanistique la plus virtuose mais dont l'objectif central est la ségrégation spatiale et l'eugénisme n'a pas sa place dans l'héritage commun de l'humanité.
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