Réouverture théâtrale et lyriqueLe destin d’un homme privé des visages d’autrui
L’Oriental de Vevey présente un opéra de Michael Nyman d’après le récit d’Oliver Sacks, «L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau». Jauge très limitée.

Prendre place dans les gradins, attendre que la lumière baisse et que la cheffe d’orchestre, Stéphanie Gurga, donne le geste du départ de son piano, entendre des chanteurs chanter et jouer face à nous: on n’avait plus vécu cela depuis la fermeture des salles de spectacle en novembre et cela fait un bien fou. D’autant plus fou quand l’histoire que l’on découvre sur la scène de l’Oriental de Vevey décrit la folie d’un homme qui semble être devenue collective: l’impossibilité de déchiffrer le visage d’autrui!
Le spectre de Schumann
À voir du 21 au 25 avril en petit comité (40 spectateurs par représentation), «The man who mistook his wife for a hat» de Michael Nyman est inspiré du cas véridique de Monsieur P. dont le neurologue Oliver Sacks avait raconté la maladie dans son ouvrage «L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau» (Points/Essais). Les patients du Dr. Sacks sont tous atteints d’une pathologie du cerveau, altérant leurs aptitudes et leurs perceptions. Si le compositeur anglais a choisi de se concentrer sur Monsieur P., c’est que la musique y joue un rôle essentiel. Chanteur et professeur de chant, cet homme a souffert d’une forme d’agnosie visuelle: incapable d’interpréter ce qu’il voit, il survit en reconstituant le monde par les sons et la musique. Le spectre de Schumann y rôde en figure salvatrice et désespérée.
Cet opéra documentaire créé en 1986 n’avait jamais été présenté en Suisse. Or c’est un petit bijou de musique répétitive pour petit orchestre (les cordes frottées, pincées et frappées de l’ensemble Valéik) et trois excellents chanteurs: le Dr. Sacks (Christian Joel), le Professeur P. (Matthias Geissbühler) et sa femme, tout aussi perturbée que lui (Olivia Doutney). D’un exposé scientifique, les metteurs en scène Sébastien Eyssette et Thibault Deloche font jaillir l’humour involontaire, l’enfer d’un quotidien illisible et l’émotion miraculeuse d’une musicalité intacte.
Vevey, Oriental
Du me 21 avril au di 25www.orientalvevey.ch/index.php
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