Le foyer, nouvelle odyssée intérieure
En 2015, l'auteure Mona Chollet invitait dans un essai à jouir davantage de son logement, sans pour autant verser dans le repli sur soi.

A l'heure du repli forcé, certains ouvrages trouvent une résonance particulière, tel celui publié par Mona Chollet en 2015. La journaliste française, féministe et auteure engagée («La tyrannie de la réalité», «Beauté fatale», «Sorcières, la puissance invaincue des femmes»), osait revendiquer les bienfaits de rester à la maison dans «Chez soi, une odyssée de l'espace domestique».
L'éditeur ayant exceptionnellement rendu accessible gratuitement la lecture en ligne du livre, nous republions donc l'article écrit à l'occasion de sa parution en 2015. Avec toutefois une précision. Sur les réseaux sociaux, l'auteure rappelle ces jours qu'en France existe un confinement à deux vitesses entre ceux qui restent à la maison et ceux qui sont au front. Elle met en garde contre une quelconque idéalisation de ce confinement. Il n'est malgré tout pas interdit de réfléchir à la vie à la maison. Retour sur «Chez soi, une odyssée de l'espace domestique».
Etre casanier. Dans une époque qui valorise les sorties, la multiplicité des contacts sociaux et des voyages, avouer que l'on aime rester tranquillement chez soi n'a rien de très glorieux, quand ça ne semble pas carrément honteux.
Dans son livre, Mona Chollet avoue ainsi aimer buller dans son petit appartement parisien, en compagnie d'un bon livre et d'un thé fumant. Tout comme, enfant, elle savourait le doux plaisir de se lover pour de longues heures dans le coin bibliothèque de la maison familiale, à Genève.
Et non, ces êtres étranges qui se plaisent dans l'espace rassurant de leur appartement ou maison n'y sont pas occupés exclusivement à la contemplation de leur nombril. Ils ne sont pas davantage de pauvres individus sans vie sociale. «Le discours dominant veut que la curiosité se manifeste forcément à l'extérieur, exposait l'auteure au téléphone. On est entouré d'injonctions qui nous poussent à sortir, puis à montrer sur les réseaux sociaux ce qu'on a fait, au détriment du temps pour rester chez soi.»
Etre heureux à l'intérieur, moins spectaculaire mais tout aussi bien
Or il y a selon elle «des manières d'être heureux moins spectaculaires mais tout aussi importantes pour l'équilibre». Une sagesse que seuls les casaniers connaissent: «Je pense qu'on rate quelque chose si on sort tout le temps: l'expérience d'un temps différent, d'une forme de lenteur, d'un lieu pour rêvasser, réfléchir tranquillement, mitonner un bon repas… Ces plaisirs sont loin d'être anecdotiques, ils font vraiment du bien. Or la plupart d'entre nous n'ont pas de temps pour ces choses toutes simples.»
Sans compter que, dans une époque agitée, le foyer constitue aussi une base de repli pour retrouver ses forces. Avec ce paradoxe: plus la société compétitive nous fait sentir le besoin d'un endroit à soi pour se ressourcer et moins les conditions économiques permettent d'accéder à des logements conformes à nos aspirations.
L'accession à la propriété devient de plus en plus compliquée, tandis que les loyers ne cessent de prendre l'ascenseur. Pour trouver à se loger moins cher, de plus en plus de gens habitent loin de leur travail et ne jouissent que très peu de leur logement. Certains se retrouvent ainsi à louer un appartement qu'ils n'utilisent que pour dormir. Le jour de congé venu, il n'est pas rare de ressentir le besoin de ranger et de nettoyer pour pouvoir ensuite enfin profiter de sa maison. La tentation devient alors quasi irrésistible, pour qui en a les moyens, d'engager une femme de ménage.
Nombreux «casaniers contrariés»
«Je pense qu'il y a beaucoup de casaniers contrariés, car notre mode d'organisation sociale fait qu'on a très peu de temps pour être bien chez soi. Si le temps à la maison était plus important, le recours aux femmes de ménage serait certainement moins répandu.»
L'essai n'a cependant rien d'une injonction à rentrer dans sa coquille pour s'y complaire. Mona Chollet rappelle aussi à quel point la maison est aujourd'hui connectée avec la société. Un chapitre entier décrit comment le monde entier entre de plain-pied dans l'intimité de son salon ou de sa chambre à coucher par le biais d'Internet. «Ça permet une ouverture bienvenue, mais c'est aussi intrusif. On peut avoir une dispute en ligne avec de parfaits inconnus, c'est assez nouveau.»
Dans la sphère domestique se rejouent également les rapports hommes-femmes à l'œuvre dans la société. Le livre rappelle ainsi que le partage équitable des tâches est encore loin d'avoir cours dans tous les foyers.
Enfin, se trouver bien entre ses quatre murs ne signifie pas passer son temps à refaire la déco: «Je pense plutôt que le fait d'être constamment poussés à renouveler les objets dont on s'entoure nous perturbe, car on a besoin de cheminer avec eux, de se les approprier, qu'ils deviennent porteurs de souvenirs.» Mieux vaut donc s'entourer d'objets soigneusement choisis. Etre content avec peu, telle pourrait être le secret du «Home sweet home».
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