Le «Général-Guisan» vendu aux Chinois
Le cargo au nom emblématique a été cédé par Suisse- Atlantique pour 4,1 millions de francs. Que cache cette transaction?

Comment dit-on «mon Général» en mandarin? Lancé en 1999 en même temps que trois autres cargos de 225 m de long construits à Taïwan, le Général-Guisan vient en effet de passer en mains chinoises après avoir bourlingué dix-huit ans sous pavillon suisse, transportant céréales ou charbon d'un port à l'autre. Il symbolisait la sécurité de l'approvisionnement maritime de la Suisse via Bâle.
Historiquement, c'est pour cette raison que le Conseil fédéral avait lancé le pavillon suisse en avril 1941. La flotte neutre échappant aux tirs des Alliés et des Forces de l'Axe a permis de fournir 300 g de pain à chaque Suisse durant la dernière guerre mondiale.
Les temps ont changé et – hormis des risques de contamination nucléaire style Fukushima – on imagine mal la Suisse soumise à un encerclement. C'est dans ces circonstances que la société Suisse-Atlantique basée à Renens (VD) et contrôlée par la famille André cherchait, depuis quelque temps, à vendre sa série de quatre cargos construits en Chine nationaliste en 1999: le Général-Guisan, le Corviglia, le Celerina et le Nyon. Selon le Tages-Anzeiger, le Général-Guisan a été cédé pour 4,1 millions de francs à une compagnie chinoise. Actuellement dans le port de Qinhuangdao (au nord de la Chine) il est désormais enregistré sous le nom de Zhen-Yang-Nan-Hai. Une vente confirmée par la famille André, mais qui ne dit rien du prix, politique courante dans le domaine des affaires. Selon les spécialistes, le prix ne serait pas bradé dans la mesure où le navire a été amorti durant les périodes de vaches grasses des années 2000.
Le Lausanne made in Japan
Aujourd'hui, Suisse-Atlantique compte 17 navires de haute mer, après en avoir construit trois entre 2015 et 2016 pour un montant de 100 millions de francs sur le chantier naval de Nha Trang au Vietnam (le Tsoumaz, le Diavolezza et le Bregaglia et deux tout récemment au Japon, le Lausanne et le Saint-Cergue, du nom de la commune d'origine des André.
Pourquoi construire des navires de haute mer quand le trafic maritime traverse la plus grande crise de son histoire, à l'image du premier armateur sud-coréen Hanjin déclaré en faillite en février dernier?
Cautionnement fédéral
Depuis des décennies, les armateurs suisses bénéficient d'un cautionnement de la Confédération qui leur permet de conclure des emprunts favorables de l'ordre de 2% au-dessous du marché. A partir de 2002, le crédit-cadre s'élevait à 600 millions, un montant augmenté à 1,1 milliard en 2008.
Concrètement, la Confédération a octroyé des cautionnements qui s'élèvent à quelque 800 millions de francs. Mais la Berne fédérale encourt désormais des pertes financières et pour la première fois de son histoire va devoir passer à la caisse, suite aux mauvaises affaires du Zurichois Enzian qui gère sous un autre nom (Swiss Chem Tankers) quatre navires transporteurs de produits chimiques, le Matterhorn, le Breithorn, le Stockhorn et le Monte Rosa. Mis en gage par la Confédération, ils sont à vendre par le Département fédéral de l'économie et son Office pour l'approvisionnement économique pour combler un trou de 175 à 200 millions, somme correspondant au cautionnement de l'armateur.
Un rapport alarmiste
Au total, 12 des 16 navires de l'armateur Hansjürg Grunder sont à vendre. Porte-parole et consultant d'Enzian, Michael Eichmann est l'ancien fonctionnaire qui a précisément dirigé l'Office pour l'approvisionnement économique. Une situation délicate que l'intéressé assume.
En novembre dernier, un rapport confidentiel émanant du département de Johann Schneider-Ammann a révélé que les navires suisses n'arrivaient à se maintenir à flot qu'avec l'aide du crédit de cautionnement de Berne. Il devait rester confidentiel, mais un initié a alerté l'Aargauer Zeitung qui en a publié des extraits, poussant Berne à déposer une plainte pénale contre X pour violation du secret de fonction. Les banques créditrices sont UBS, CS et PostFinance.
Le Conseil fédéral a du même coup proposé au Parlement de ne plus renouveler le crédit-cadre de cautionnement à son échéance en juin 2017: «La crise qui touche la navigation mondiale est d'une gravité exceptionnelle par sa durée», argumente Berne. Le désengagement devrait être progressif, les dernières garanties prenant fin en 2031: «Au pire, le maintien de 12 navires suffirait pour assurer l'approvisionnement de la Suisse en temps de crise.»
Taxe au tonnage
La solution serait la taxe au tonnage, une taxe forfaitaire pour les compagnies maritimes, une solution appuyée par le conseiller national genevois Guillaume Barazzone. La taxe au tonnage profiterait non seulement au pavillon suisse, mais aux 65 entreprises qui s'occupent d'armement maritime en Suisse et qui comptent près de 700 navires. Parmi eux, le géant MSC de la famille Aponte basé à Genève et qui possède les plus gros porte-conteneurs du monde et les plus grands navires de croisières.

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