Le glyphosate en quatre questions
On en pulvérise chaque année plus de 800 000 tonnes à l'échelle de la planète. Quelques pistes pour mieux comprendre un produit largement controversé.

De quoi parle-t-on?
Glyphosate égale Roundup, le désherbant de la firme américaine Monsanto. Mais c'est bien un chimiste suisse, Henri Martin qui a découvert dans les années 50 cette molécule de glycine phosphonate. Cet herbicide est pulvérisé sur les feuilles, migre vers les racines et asphyxie la plante. Gros avantage, il se dégrade dans le sol sans tuer les graines ou les racines des voisins.
En 1974, Monsanto en acquiert les droits et le protège par un brevet sous l'appellation commerciale Roundup. Les ventes explosent alors et l'herbicide est produit en grosses quantités. En parallèle, la firme développe les premiers organismes génétiquement modifiés (OGM) qui le tolèrent. En 2000, le brevet tombe dans le domaine public. Il est aujourd'hui produit par plus de 40 sociétés et au moins 300 désherbants en contenaient l'an dernier.
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Dangereux ou pas?
Il faut attendre la fin des années 90 pour que surgissent les premières inquiétudes. En 1999, le docteur James Parry informe Monsanto du caractère génotoxique du glyphosate et il recommande des études plus poussées sur le Roundup. Selon lui, la molécule pourrait influencer le matériel génétique d'un individu et susciter des cancers. Etudes qui passeront purement et simplement à la trappe chez le fabricant.
Mais la communauté scientifique n'en reste pas là. En 2002, un chercheur au CNRS en Bretagne constate sur le long terme le developpement de cancers sur les cellules d'oursins. Une étude argentine publiée par la très sérieuse revue scientifique Chemical Research in Toxicology, démontre que les embryons de vertébrés exposés présentent des troubles du développement cérébral. Si bien que, chose inédite, Le Centre international de recherche sur le cancer, qui dépend de l'OMS, classe le glyphosate «cancérogène probable» en mars 2015. Et pourtant ni l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), ni l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), ne suivent ce diagnostic...
Aujourd'hui, plus de 180 études plus tard, de nombreuses questions subsistent et la communauté scientifique, parfois noyautée par l'industrie chimique comme l'ont dévoilé les "Monsanto papers", n'est pas unanime. De plus en plus de voix s'élèvent dès lors pour étudier le glyphosate dans l'ensemble des pesticides et leur dangerosité sur l'homme. Le glyphosate, l'arbre qui cache la forêt?
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Qui l'interdit?
Après deux ans de débats particulièrement houleux, l'Union européenne a renouvelé en 2017 pour cinq ans la licence du glyphosate. Même si dans ce dossier l'indépendance de l'EFSA a été mise en doute. En France, où des actions en justice sont en cours, Paris a promis d'interdire le glyphosate «dans ses principaux usages» d'ici 2021, et «pour tous les usages» d'ici cinq ans.
Les autres pays européens restent frileux face à une interdiction mais sont parfois devancés par leur population. L'Allemagne, qui avait surpris tout le monde en votant pour le renouvellement de la licence, promet aujourd'hui d'y mettre fin «dès que possible», alors que les ventes du produit sont en chute libre dans ce pays. L'Italie tente de l'interdire, sur fond de guerre larvée avec les producteurs de blé canadiens, dont elle a réduit drastiquement les importations.
Aux États-Unis, la condamnation historique en 2018 de Monsanto à payer près de 290 millions de dollars de dommages à un jardinier atteint d'un cancer pourrait faire boule de neige. Un deuxième procès a condamné en mars la firme à verser 80 millions de dollars à un retraité malade. Des dizaines de milliers de procédures sont en cours mais le géant de l'agrochimie va faire appel.
Tapis rouge au Brésil
En Amérique latine, grenier du monde du soja, le glyphosate est roi. En Argentine, en absence de législation, ce sont les maires locaux qui émettent des arrêtés pour encadrer la fumigation. Mais ces règles sont généralement contestées par les producteurs. Et le Brésil de Bolsonaro a autorisé depuis le début de l'année plus d'une centaine de nouveaux herbicides, Roundup en tête.
Le gouvernement sri lankais avait interdit les importations de glyphosate en 2015, suite à une campagne menée par un moine bouddhiste. Mais face aux critiques des agriculteurs qui auraient perdu 10% des 300 millions de kilos de thé produits annuellement, les importations sont à nouveau autorisées depuis juillet dernier, bien que limitées pour les plantations de thé et de caoutchouc.
Et que fait la Suisse? Le Conseil fédéral a proposé en janvier aux Chambres d'accepter le postulat de la Conseillère nationale Adèle Thorens (Verts/VD) et se dit «prêt à étudier l'opportunité et les modalités d'une éventuelle sortie progressive» du glyphosate. Un soutien très nuancé toutefois puisque le Conseil fédéral le motive par la sortie potentielle de certains pays européens et qu'il maintient que le retrait de cette substance n'est «scientifiquement pas justifié».
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Comment en sortir?
Honni par les défenseurs de l'environnement, le glyphosate est néanmoins d'une efficacité redoutable. Les autres pesticides moins toxiques produisent souvent moins d'effets. Les organisations écologiques appellent donc à repenser l'agriculture. Exemple en France, la Fondation Nicolas Hulot qui propose de revenir aux techniques manuelles de destruction des mauvaises herbes, au labour, à la rotation de cultures, au bio. Bref, au retour à une agriculture plus propre mais moins rentable qui demandera un soutien économique de l'État. Et de facto, une lutte politique inévitable.
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