Concours d’idées au Beau-RivageLe jour où l’A9 a failli s’appeler l’«Autoroute du Vin»
Le 7 janvier 1963, l’Office du tourisme du canton s’attelle à une mission périlleuse: trouver un nom à la future autoroute qui reliera le canton de Vaud au Valais.

Si le sud de la France a son Autoroute du Soleil – l’A7 qui plonge de Lyon jusqu’à Marseille et que les vacanciers à l’assaut des plages connaissent bien –, il s’en est fallu de peu pour que notre région ait, elle aussi, un ruban d’asphalte au nom qui évoque autre chose qu’une partie de bataille navale. En l’occurrence l’A9, qui part du Jura vaudois pour serpenter jusqu’à Sierre (VS) et que beaucoup auraient rêvé de voir porter un nom plus poétique.
Comme en ce 7 janvier 1963. Il y a pile soixante ans ce samedi, le nom de l’autoroute (qui n’était encore qu’un projet) a en effet animé une séance particulière de l’Office du tourisme du canton de Vaud, dans un salon feutré du Beau-Rivage, à Lausanne. Ouvrons les archives.
But: contourner Lausanne
Difficile, aujourd’hui, de réprimer deux ou trois sourires à la lecture du compte rendu de cette séance, dont l’édition du 8 janvier 1963 de la «Feuille d’Avis de Lausanne» se fait l’écho. Des décennies avant le boom de l’aviation low cost, l’autoroute «tant attendue!» promet de placer la capitale vaudoise au cœur du Vieux Continent.

«Lausanne deviendrait une véritable plaque tournante européenne en étant point de croisement de la E-4 Lisbonne-Helsinki et de la E-2 Londres-Brindisi», détaille l’article. Le texte évoque une présentation de Jean-Emmanuel Dubochet, chef du bureau des autoroutes bombardé «grand patron vaudois des autoroutes», qui loue la future artère, ses avantages et ses promesses.
En filigrane, on devine les espoirs placés dans le projet d’alors, censé décongestionner la route du Lac, qui a déjà un fort goût de bouchon. «Actuellement, la «route du lac», prévue pour 6600 à 7000 véhicules par jour en absorbe en moyenne 11’000 avec des pointes allant jusqu’à 18’000! Cela explique les embouteillages que, certains week-ends, on connaît», poursuit l’article.
Premier sourire pour le lecteur des années 2020, qui sait qu’aujourd’hui, certaines parties de l’A9 absorbent tant bien que mal plus de 100’000 véhicules jour. Deuxième sourire lorsqu’il découvre le tracé prévu pour l’autoroute et les pincettes prises par les autorités d’alors pour rassurer: «L’autoroute venant du Valais arriverait à Vennes, mais provisoirement, car, dans une étape ultérieure, il faudra contourner Lausanne.»
Concours d’idées
Dernier sourire – et non des moindres – lorsqu'il est évoqué «ce qui fut le plus discuté» ce jour-là: la proposition du comité de l’Office du tourisme de trouver un nom au tronçon Lausanne-Valais. Les pros du tourisme ont d’ailleurs déjà une idée: «Autoroute du Léman». C’était sans compter un débat qui fait encore rage soixante ans plus tard. «Mais quoi, dirent les uns, en allemand on dit «Genfersee» et en anglais «Lake of Geneva», donc le mot Léman n’a pas beaucoup de valeur, sinon sentimentale».
On sent la séance virer au concours d’idées avant que ne tombe la plus lumineuse: un participant propose de baptiser le tronçon «Autoroute du Vin». On imagine l’ambiance avant qu’il soit décidé… de ne rien décider. «Bref, on ne trouva pas la solution ce lundi 7 janvier, et, très vaudoisement, l’affaire fut renvoyée à l’assemblée générale de juin 1963.»
Manifestement, l’assemblée générale qui s’est tenue l’été d’après n’est pas parvenue à trancher. La preuve? Personne n’appelle le tronçon «Autoroute du Léman», encore moins «Autoroute du Vin». Officiellement, à tout le moins. Résultat: l’A9 a encore de beaux jours devant elle.
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