Le label MSC ou quand l'éthique coûte très cher
En plus du coût pour l'obtenir, la garantie de cette certification est mise en doute.

Vous avez certainement déjà vu l'acronyme MSC sur un paquet de poisson dans votre supermarché. Au restaurant, cette indication se fait très rare. Les cuisiniers ne demandent quasi jamais de perches labellisées, expliquent les grossistes suisses. Ce qui leur importe, c'est avant tout la qualité et le prix.
Créé en 1997, ce label a pour but de lutter contre la surpêche. «Nous analysons si les stocks de poissons sont bons, si la pêche ne détruit pas l'écosystème et si les pêcheries ont un management durable», précise Andrea Harmsen, de MSC. Pour les supermarchés, il est devenu un atout essentiel et un moyen de montrer qu'ils se préoccupent de la durabilité de la pêche. Alors ces derniers n'hésitent pas à mettre la pression sur les acteurs de la filière pour qu'ils leur fournissent des perches labellisées.
Dans la filière, l'éthique du label a un revers moins glorieux. Repartons en Estonie, à l'usine Logi-F, la seule du pays à être MSC. «Nous avons obtenu le label, mais uniquement pour les perches du lac Peipsi, explique le patron, Olgert Margus. Celles de la mer Baltique ne peuvent être vendues en MSC.» L'usine Rolevar, près du fameux lac Peipsi, n'a pas le label. Son patron nous explique pourtant ce qui se passe réellement. «Lorsque Logi-F n'a pas assez de filets de perche, je lui en fournis. Ce sont les mêmes poissons. Au final, c'est le consommateur qui se fait avoir. MSC, c'est du grand n'importe quoi!» tonne-t-il.
Une de nos sources complète: «Les supermarchés, surtout en Allemagne, refusent d'acheter du poisson aux usines qui ne sont pas MSC. Mais tout le monde sait que c'est ridicule. Car dans les faits les pêcheurs demandent aux usines si elles veulent du MSC ou pas, or c'est le même poisson! S'il est vendu avec le label, il est plus cher. La perche MSC n'est pas meilleure qu'une autre du Peipsi, ou moins surpêchée. C'est tout simplement la même. Au fond, elles devraient alors toutes être MSC.»
Mais ce qui scandalise le plus, c'est que, pour obtenir le fameux label, il faut passer à la caisse. Et pas qu'un peu. Pour une pêcherie, il faut en effet mandater un organisme de certification indépendant accrédité. Le prix de cet audit: environ 100'000 fr. la première année. Puis environ 15'000 fr. par an pendant quatre ans pour les audits de contrôle. Après cinq ans, l'audit complet doit être refait. Un transformateur paiera moins cher, mais tout de même environ 15'000 fr. par an. Ce n'est pas tout. Des royalties sont ensuite reversées directement à MSC. «Sur chaque vente, MSC encaisse 0,5% du prix net», explique Andrea Harmsen. «C'est un gros business, mais pas pour nous!» réagit le patron de Logi-F.
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En Suisse, les grossistes ne sont pas tendres non plus. «MSC, c'est du pipeau, tonne Max Mulhaupt. Ça permet juste de les vendre plus cher.» Les deux usines russes de la famille Wolf, le seul Suisse à produire des filets de perche à l'étranger, sont labellisées. «Bien sûr que notre objectif est de produire le plus durable possible. MSC est d'ailleurs un label difficile à obtenir. Aujourd'hui, tout un business s'est créé autour des certifications et le but non lucratif de l'organisation n'est plus très clair.»
Ceux qui ont vécu une certification MSC, le disent: les critères sont pointus. Et pourtant, dans ce gros business mondial du poisson, MSC ne semble pas toujours être la garantie d'un poisson éthique. Le label MSC essuie régulièrement des critiques. Y compris d'un des organismes qui a contribué à sa création: le WWF. «MSC est le meilleur certificat actuellement disponible pour les poissons sauvages. Pour autant, il n'est pas parfait. Le WWF lui met donc la pression pour s'améliorer», déclare Catherine Vogler, responsable seafood au WWF Suisse. À plusieurs reprises, le WWF a exprimé publiquement son désaccord avec des certifications MSC. Comme lorsque cette pêcherie mexicaine de thons a obtenu le certificat alors même qu'elle utilise des techniques de pêche qui peuvent tuer les dauphins. «Le WWF considère que MSC doit garantir que sa croissance ne se fasse pas au détriment de sa qualité, même si de plus en plus de pêcheries font pression pour obtenir le certificat.»
Si prisé par les distributeurs, le label MSC ne serait-il pas propice aux dérives inquiétantes? Par écrit, un des directeurs de la multinationale russe Maxifish nous explique ouvertement que ses clients potentiels suisses souhaitent lui acheter des filets de perche russes mais depuis la Pologne. Pourquoi? «Nos perches viennent de Russie et nous préparons les filets dans notre pays. En Pologne, il ne s'agit que d'une usine d'emballage qui a tous les certificats que nous n'avons pas (IFC, MSC, ACC, etc.)», précise Maksim Moroz. L'homme poursuit: «Il est possible de vendre du poisson MSC si vous l'empaquetez dans une usine qui a le label. Alors, ce label ne veut rien dire.» Comment font-ils pour tromper les contrôles et la traçabilité imposée par MSC? Nous n'obtiendrons pas plus de détails. Mais, chez MSC, on réagit: «Si ce cas est réel, cette entreprise enfreint clairement nos règles et exigences de certification.
Seuls les poissons issus de pêcheries durables certifiées, et d'entreprises de contrôle de la chaîne d'approvisionnement certifiées, sont autorisés à être vendus avec l'écolabel bleu MSC. La certification de l'ensemble de la chaîne logistique est importante, car c'est uniquement ainsi que les consommateurs pourront être certains que le poisson qu'ils achètent peut réellement être rattaché à une pêche durable, certifiée MSC», explique Andrea Harmsen. La porte-parole nous indique vouloir mandater des évaluateurs indépendants pour enquêter sur ce cas potentiel de faux étiquetage. Et d'ajouter: «En général, les erreurs d'étiquetage sont faibles parmi les entreprises certifiées MSC (9% selon les tests mondiaux), et toutes les entreprises certifiées MSC de la chaîne d'approvisionnement sont régulièrement contrôlées par des auditeurs indépendants.»
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