Ainsi, quelques dizaines de loups arpentent la Suisse. Faisant leur job de loups, ils dévorent un certain nombre de chevreuils et de cerfs, notamment. Entre autres bienfaits et bien malgré eux, ils dispersent les hardes de ces herbivores, ce qui permet aux jeunes arbres de se développer en étant moins broutés.
En parallèle, durant la saison d’estivage, ils tuent des moutons, des chèvres et quelques veaux sur les alpages (quel affamé résisterait à un frigo abondamment rempli et ouvert?). Les éleveurs sont furieux, ils le disent haut et fort, la peur se répand, le débat fait rage, les éleveurs sont dédommagés et décision est prise d’abattre quelques loups. Bien.
«C’est dégoûtant, inquiétant sur le plan sanitaire, ça coûte une blinde aux Communes touchées.»
Depuis des années, des corbeaux freux par centaines envahissent nos villes (le Service des travaux et environnement de la Ville d’Yverdon a dénombré 443 nids sur son territoire en 2021, contre 226 en 2014). Faisant leur job de corbeaux, ils construisent des nids, pondent, nourrissent leurs corbillats, le tout en poussant leurs croassements.
Bien malgré eux, ils couvrent de leurs peu ragoûtantes déjections les environs des arbres où ils implantent leurs nids, parsemant en prime le secteur de branchettes et de brindilles qui leur échappent au moment de la construction desdits nids. À Yverdon toujours, en 2021 une garderie a dû interdire son jardin d’accès aux petits, l’endroit étant souillé par les fientes des hôtes du platane surplombant les lieux. De Schaffhouse à Genève, il est difficile d’échapper à ces bombardements en passant sous leurs dortoirs.
C’est dégoûtant, inquiétant sur le plan sanitaire, ça coûte une blinde aux Communes touchées. Et, à une époque où le bruit est au centre de toutes les attentions, bruyant au-delà du tolérable (jusqu’à 75 dB, selon la Station ornithologique suisse), usant pour les nerfs des voisins. On ne peut pas dire que les Villes ne font rien. De l’envoi d’un rapace prédateur à l’emploi de drone ou de laser, elles tentent de convaincre Corvus frugilegus d’aller voir ailleurs. Mais ça ne marche pas.
On ne peut rien faire?
Car de mi-février à fin juillet, durant la nidification, l’oiseau est protégé. On ne peut donc rien faire, ni les chasser, ni détruire les nids, ni prélever les œufs durant cette période, celle justement où les désagréments sont les plus importants.
Qu’est-ce qui ne va pas? Pourquoi peut-on abattre des loups, protégés eux aussi, afin de les «réguler», mais dont les dégâts ne touchent qu’un petit nombre de personnes, et pas diminuer le nombre de freux qui bassinent des milliers de citadins? Manque-t-il un lobby prompt à monter au créneau, comme celui des agriculteurs et des chasseurs? La charge symbolique d’Isengrin joue-t-elle en sa défaveur? Les autorités communales, à qui le nettoyage des trottoirs conchiés incombe, ne font-elles pas le poids face aux associations environnementales? Ou avons-nous perdu le sens des priorités?
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La rédaction – Le loup et les corbeaux, une fable moderne
Certains animaux protégés peuvent être «régulés», d’autres pas, malgré leurs sérieux désagréments et leur abondance.