Bande dessinéeLe marsupilami prêt à bondir aux enchères
À Paris et pour la première fois, Batem met en vente une brassée d’originaux. D’autres grands maîtres de la BD passent sous le marteau.

Il n’aime céder ni ses planches, ni ses couvertures, ni ses crayonnés. Luc Collin, alias Batem pour tous les amateurs de bande dessinée, s’est pourtant laissé convaincre par le galeriste parisien Daniel Maghen, maître d’œuvre d’une prestigieuse vente aux enchères organisée à Paris lundi 20 juin. À la maison de l’Amérique latine, sur le boulevard Saint-Germain, le repreneur du marsupilami va voir passer sous le marteau 25 pièces historiques et contemporaines, estimées entre 2000 et 10’000 euros. D’autres grands maîtres du neuvième art font partie de cette adjudication. Parmi eux, Franquin, le créateur du marsu, mais aussi Bilal, Morris ou Rosinski.
Batem aux enchères, c’est une première. Maître de la BD populaire, et à ce titre décrié par certains, le sexagénaire belge compte de nombreux fans parmi ses pairs. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir le catalogue de la vente de lundi dédié à l’intéressé, dans lequel plusieurs dessinateurs et scénaristes commentent et analysent son coup de patte.

Pour l’illustrateur Loïc Jouannigot, «le trait (de Batem) est juste, net et heureux. Les personnages sont bien en vie, truffés de détails très étudiés avec toujours beaucoup d’humour. (…) Ses pages et ses cases offrent une limpidité de lecture visuelle, marque des grands de la BD.» Le scénariste Xavier Fauche relève pour sa part «ses cadrages audacieux, son encrage dynamique et ses champs-contrechamps.»

Olivier Grenson souligne que Batem «a subtilement distillé son âme et son style, sa sympathie et son amour pour le personnage, une admiration autant pour Franquin que pour le Marsu, sans jamais devenir un duplicata.» Enfin Olivier Saive assène l’argument final: «aucun spécialiste ne peut faire à coup sûr la différence entre un marsupilami de Franquin et un de Batem - j’ai déjà vu passer des dessins de Luc qui étaient crédités comme étant ceux du maître!»

Outre Batem, un autre auteur se voit consacrer un volet spécial à l’occasion de cette vente parisienne. Orfèvre de la bande dessinée historique et maritime, Patrice Pellerin écrit, dessine et met en couleurs la série «L’Épervier» depuis plus de trente ans. Dans le catalogue, il explique comment son personnage a vu le jour, en une heure, à la suite du décès du scénariste de «Barbe Rouge», Jean-Michel Charlier. Il évoque aussi le point de départ de ses histoires, et les questions qu’il se pose: «qu’est-ce que j’ai envie de montrer? Dans quels lieux? Est-ce que j’ai envie de faire évoluer mes personnages?» Lundi, Pellerin présente 21 pièces, sélection de belles planches en noir et blanc et d’illustration en couleurs réalisées spécialement pour l’occasion.

Avec une couverture originale de la série «Bruce J. Hawker», un autre maître des ambiances marines figure dans la liste des auteurs présentés. Par ailleurs co-créateur de la série XIII, William Vance était l’un des meilleurs dessinateur/illustrateur de sa génération. Autres pièces de choix, et c’est purement subjectif, des œuvres d’André Juillard (notamment une sublime illustration-affiche pour une exposition de 2006), Ted Benoit (planches de «L’affaire Francis Blake»), Olivier Schwartz (couverture originale du journal Spirou) ou Milo Manara. Au total, 169 lots dont pas mal devraient dépasser leur estimation initiale.
Vente aux enchères «Bande dessinée & Illustration», lundi 20 juin à 18h30, Maison de l’Amérique latine, 217 bld Saint-Germain à Paris. Rens: danielmaghen-encheres.com

Philippe Muri est journaliste, coresponsable de la rubrique culturelle. Il couvre en particulier la bande dessinée et les sorties culturelles. Il a également travaillé comme journaliste sportif ou chef d'édition aux quotidiens «Le Matin» et «Le Temps», ainsi qu'à l'hebdomadaire «L'Illustré».
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