Art contemporainLe MCBA aurait-il trop aéré son «Jardin d’hiver»?
L’exposition biennale de la jeune garde vaudoise se termine dimanche au Musée cantonal des beaux-arts à Lausanne. Et sur une impression mitigée.

Les salons – pas ceux où l’on cause, quoi que… mais ceux, où dès 1673, la scène artistique s’est exposée contemporaine –, ont enchanté. Et crispé! Demandez à Géricault et son «Radeau de la Méduse» vu comme un «amas de cadavres» (1819) ou aux impressionnistes, ces exclus qui ont créé le Salon des refusés. C’est historique: l’exercice de montrer l’art en train de se faire ici et maintenant n’est pas chose aisée. Il faut faire des choix, donc forcément décevoir.
Ainsi, daté dans son atmosphère très «white cube» au premier étage du Musée cantonal des beaux-arts (MCBA), ce «Jardin d’hiver» (qui a pris la suite d’Accrochage-Vaud) ne démérite peut-être pas dans le cadre d’une exposition d’art contemporain. Si le très actuel désir de fluidité se lit dans plusieurs pièces (Cee Füllemann & Romy Colombe K mettent le feu aux injonctions formelles et verbales), si les clowneries du monde agitent une éloquente marionnette (Léa Katharina Meier), dans l’ensemble, on se sent tout de même un peu perdu. Prêt à prendre des coups, mais ils ne viennent pas! Et au-delà du ressenti, cette présentation très épurée ne trahit-elle pas l’exceptionnelle vitalité de la scène vaudoise actuelle et donc… un peu la raison d’être de ce rendez-vous collectif? Le point avec Juri Steiner, directeur de l’institution.
La première édition de «Jardin d’hiver» en 2021, miroitait dans son abondance et le dynamisme de la scène contemporaine vaudoise. Celle qui s’achève avec seulement une quinzaine de noms n’est-elle pas hors sujet?
Dans l’exposition confiée à Jill Gasparina qui interrogeait des notions d’appartenances géographiques, on ressentait effectivement cette fertilité du terreau contemporain vaudois. Dans cette 2e édition, menée par Simon Würsten Marin, la perspective est autre: on est dans un questionnement face aux grands changements en cours par des artistes trentenaires dans un monde post-Covid. Et je la trouve très réussie. Le fait d’avoir ces deux propositions parallèles depuis que le MCBA est à Plateforme 10, à savoir une exposition collective («Jardin d’hiver») et une monographique sur un grand nom de cette scène vaudoise (Jean Otth en 2021, Silvie Defraoui en 2023), souligne aussi les filiations ou accentue l’extrême contemporanéité des uns et des autres: qui peut imaginer que Silvie Defraoui a 87 ans?

En confiant le casting à un commissaire invité, on admet un regard subjectif sur la scène vaudoise et le risque qu’il ne choisisse que ses proches: est-ce la juste formule?
L’idée de base, dans l’invitation d’un commissaire externe, est d’enrichir les regards sur la scène artistique vaudoise. En ce sens la subjectivité repose sur le choix thématique. Maintenant… ce rendez-vous visant à présenter la scène vaudoise a déjà connu différentes versions depuis sa création en 1972. Il repose sur un principe de dialogue entre les artistes et le musée qui s’est transformé au fil des années et qui va encore évoluer.
De nombreux musées cantonaux ont abandonné cette revue des troupes: la coutume serait-elle devenue trop provincialiste? Trop piégeuse?
Je ne pense pas. Cet échange entre la scène artistique et l’institution a toujours été central, il l’est encore. Je n’y vois ni un devoir, ni ne le considère comme une ligne dans un cahier des charges. C’est avant tout une question d’intérêt, de curiosité, d’échange et d’opportunités de construire sur le long terme. Après… on peut toujours s’interroger sur les notions de territoire dans un projet culturel comme celui de Plateforme 10 qui vise des horizons plus larges. L’essentiel étant de ne pas rester figé parce que le monde change. Et… les musées, aussi.
Lausanne, MCBA
Jardin d’hiver, poems of change
Le tremblement des certitudes, Silvie Defraoui
Jusqu’au 21 mai avec pour le finissage une performance (14 h, 15 h, 17 h) et une visite commentée (16 h).
www.mcba.ch
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